"Atypical" et la représentation de l'autisme

Série créée par Robia Rashid, sortie et diffusée sur la plateforme Netflix depuis août 2017, Atypical suit la vie de Sam (Keir Gilchrist), un jeune adolescent américain autiste autant dans son parcours scolaire que dans sa vie amoureuse. Cette série de 4 saisons à ce jour a globalement bien été reçue par le public, mais un bémol gène certains internautes… C’est la représentation clichée des personnes atteintes de TSA (Troubles du Spectre Autistique). 

Mais quels sont les stéréotypes des personnes autistes qui sont mobilisés dans atypical ?

Une des premières images qui règne dans l’imaginaire collectif sur l’autisme, ce sont les capacités intellectuelles monstrueuses des autistes. Sheldon dans The Big Bang theory, Bones, Spencer Reid dans Esprits Criminels, Sherlock… Tous ces « petits génies » représentent la neurodiversité dans la culture… Seulement les TSA, ce n’est pas forcément être doté d’un cerveau surpuissant qui possède le monopole du savoir. Justement ! On sait que les personnes autistes ont souvent des « intérêts spécifiques » : un domaine qui les intéresse, voire qui les obsède, sur lequel ils savent tout (ou presque) ! Chez Sam, c’est l’Antarctique et ses manchots. Mais chaque personne sur le spectre autistique est unique, et le stéréotype du génie met énormément la pression sur le savoir. Au contraire, certains autistes présentent une déficience intellectuelle. « Les autistes n’ont pas à se sentir coupables ou nuls de ne pas être capables de retenir les 22 514 premières décimales de Pi » (Sciences Humaines).

Sam correspond au stéréotype parfait de l’adolescent autiste, c’est là le problème. Hypersensibilité sensorielle très exprimée (contrairement à celle plutôt intérieure pour certaines personnes sur le TSA), comportements restrictifs, maladresse sociale très marquée, gestes répétés… 

Mais quel est le problème ?

Principalement la stigmatisation des personnes autistes… Cette représentation presque absurde des comportements autistiques peut faire rire un certain public, certes, mais cela peut générer de la honte chez les autistes qui se voient ressembler au personnage principal. On peut ajouter le fait qu’une personne sur le TSA ne se sente pas valide, si elle ne correspond pas à ces stéréotypes mis en avant par la série. La désinformation peut également poser problème ; perpétuer le cliché de l’autiste dans l’imaginaire collectif des personnes non-informées, et donc prolonger les clichés du TSA dans la culture populaire.

Mais alors comment correctement représenter la neurodiversité ?

Tout d’abord, pourquoi ne pas donner le rôle de Sam Gardner à un acteur réellement autiste ? Keir Gilchrist n’est pas sur le spectre, il a dû donc apprendre à coller à une certaine représentation d’un ado autiste. Dans l’idéal, l’idée est approuvée, seulement, lorsqu’on y réfléchit vraiment, l’environnement du cinéma est particulièrement effervescent. Pour certains, cela est source d’extase, mais pour les autistes, leur hyper-sensibilité sensorielle ferait que le plateau de tournage serait synonyme de réel enfer. Les lumières, les conversations des réalisateurs et leurs assistants, les odeurs de colle ou peinture fraîche, les consignes criées depuis le fond de la pièce… Trop de stimulus sensoriels ! Ce serait la panique, le risque d’un meltdown autistique, d’une fatigue extrême. Bien sûr, certains autistes pourraient supporter des journées de tournages, mais la fatigue serait telle à la fin de la journée que le rythme deviendrait difficile à suivre pour la suite. Ajoutons que le théâtre, les jeux de rôles sont compliqués pour les personnes atteintes de TSA. Assimiler des attributs qui ne font pas partie de leur personnalité (comme l’intérêt de Sam pour l’Antarctique) pourrait s’avérer compliqué voire impossible pour un acteur autiste.

La meilleure solution serait d’inclure des personnes autistes dans la réalisation de séries/films pour qu’ils soient correctement représentés. Ainsi, ne pas coller au stéréotype parfait, ne pas vouloir représenter l’autisme, mais plutôt créer un personnage atypique, sur le spectre immense de l’autisme, ou, plus largement de la neurodiversité.

Marie-Lou LEFÈVRE 31 janvier, 2022
Marie-Lou LEFÈVRE 31 janvier, 2022
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