En salle depuis le 2 novembre, Grand Prix du festival de Cannes 2022, Close, deuxième long-métrage du réalisateur belge
Lukas Dhont, nous a grandement enthousiasmé. Voici donc un petit récap.
Synopsis
Rémi et Léo, 13 ans, s’aiment « comme des frères ». Ils passent leurs journées ensemble, dorment l’un chez l’autre, et partagent tout. Seulement, la nature de cette grande proximité est source d’interrogations de la part de leurs camarades lors de la rentrée scolaire : « Vous êtes en couple ? ». Là commence la fracture de leur relation, qui fait face pour la première fois au regard des autres et à la cruauté de la cour de récréation du collège, où elle étouffe, étranglée par ses codes sociaux. Comment la faire perdurer, à cet âge, en public ? Le chemin que prend leur lien connaît un virage dangereux, menant à une cassure insurmontable.
Tout est bien…
Pourtant, tout commence bien : leurs deux voix qui s’élèvent dans l’obscurité nous plongent in medias res dans l’imaginaire fertile où se noue la complicité des deux pré-adolescents. D’autant plus que l’environnement est très rassurant : deux familles ouvertes et aimantes, auxquelles on semble pouvoir tout dire, le tout dans des champs de fleurs tenus par les parents de Léo, terrain de jeu parfait pour l’éveil des sens de nos deux héros. Ces derniers sont d’ailleurs complémentaires tels le Ying et le Yang : Rémi est rouge ; couleur de l’amour, de la passion…et du sang, tandis que Léo évoque un jeune lionceau lumineux, angelot blond vêtu de blanc. Il panse les plaies et rassure le manque de confiance de Rémi, quand ce dernier lui offre sa grande sensibilité, notamment à travers son art qu’est la musique.
Ainsi la mise en scène montre les jeunes protagonistes toujours dans le même cadre, à courir follement à travers champs ou bien allongés la tête appuyée tendrement sur l’autre. Leur intimité est aussi mise en exergue avec de gros plans, captant leurs regards qui semblent se dé-vorer, et la sensualité de leur souffle, évoquant l’éveil à la sensualité pré-adolescente.
Mais cette belle saison touche à sa fin, et plane l’ombre de la rentrée, qui finit par pointer son nez, perçant leur bulle légitime d’insouciance.
…Qui finit moins bien
Après la rentrée, de premiers symptômes apparaissent, puis se sèment et s’amplifient : l’envie de ne plus dormir dans le même lit, l’éclatement de petites bagarres qui n’ont plus rien de leurs jeux complices, cachant une violence sourde. Dorénavant, Léo et Rémi sont sans cesse sépa-rés : discussions à travers des vitres interposées pour montrer l’invisibilité de ce qui les sépare, un travelling trop rapide qui pousse Rémi à pédaler pour pouvoir rentrer dans le même cadre que Léo…
Ce dernier semble d’ailleurs s’adapter le mieux à ces nouveaux codes imposés par la cour de récréation, et part à la chasse à sa virilité en suivant un ami à ses cours de hockey sur glace. Nouvelle carrure sur les épaules, Léo doit sa-voir sans cesse se remettre sur pieds au milieu du tourbillon vertigineux de glace.
Mais à aller toujours plus vite et plus fort, on finit par se faire mal : ainsi finit par être atteint le point de non-retour, dont on préfère ici entretenir le mystère. Le manque et la culpabilité deviennent alors les sujets omniprésents. L’heure n’est plus aux goûters, ni aux courses effrénées, et des larmes surgissent brusquement pour ve-nir creuser leurs visages délicats.
On suit alors une fuite face à la vérité insoutenable : rien ne sera plus jamais comme avant. Une des séquences finales reprend d’ailleurs le topos de la fuite dans la forêt, qui permet d’exorciser les peines, et de se perdre pour finalement mieux se retrouver. Enfin, le film se termine magistralement sur un dernier regard-caméra en arrière silencieux, auquel on s’accroche un instant, pour ensuite aller de l’avant.
En somme, d’une sensibilité et d’une finesse inouïe, Close se révèle être un film poignant, aussi grâce à l’interprétation des deux jeunes acteurs en herbe qui font déjà du grand art, et bien sûr de la remarquable Léa Drucker et de la très impressionnante Emilie Dequenne. Ceci ajouté à une maîtrise très pointue de la mise en scène pour mieux être saisissante, en vient à conclure que le réalisateur a réussi son pari.
Illustrations issues du film "Close" de Lukas DHONT