Collectif Parallèle
Entretien

Photographie Arnaud BRIHAY

« Parallèle rassemble 6 photographes. Chacun a su penser l’image et la développer selon sa conscience et sa présence au monde. Ce sont l’envie de se rassembler et de partager qui nous ont réunis en collectif, le collectif est un dialogue et un mouvement. »

Pourquoi « Parallèle » ?

Zacharie : Avant d’être officiellement un collectif, nous avions déjà des projets communs, l’un d’eux était un projet qui avait pour titre « parenthèses » et déjà nous parlions beaucoup d’univers Parallèles. Je me suis intéressé aux squats, et chacun avait un projet proche de sa personnalité photographique...

Melania : Ça définissait déjà un peu le sens de ce qu’on voulait faire, des vies entre parenthèses et des vies en parallèles, un point de vue qui sortait des sentiers battus, on ne pensait pas faire un sujet tape à l’oeil mais plutôt proposer un regard, une ouverture sur un monde qu’on ne regarde pas forcément avec attention.

Zacharie : Et ça nous a donné l’idée du nom : Collectif Parallèle. On travaille ensemble, dans la même direction, donc forcément, Parallèle !
Pourquoi se regrouper et faire des photos ensemble ?

Melania : Malgré les différences de nos styles, on a les mêmes envies photographiques, et c’est justement ce qui fait le lien entre nous, l’idée derrière l’image. Nos travaux se contaminent et prennent une autre dimension ensemble, le groupe devient une entité à plusieurs personnalités.

Est-ce que vous faites régulièrement des expositions ?
Dans quel genre de lieux ?

Melania : On fait pas mal d’expos depuis qu’on existe (seulement deux ans), collectives et personnelles, pas forcément en formation complète, on n’est pas toujours 6 sur toutes les expositions. Ça arrive qu’on travaille à deux ou trois, selon les sujets, les disponibilités...

‘Tropisme’ est un sujet qu’on a choisi ensemble, on est trois du collectif : nous deux, Laure Abouaf, mais aussi Clara Cuzin, plasticienne avec qui on travaille pas mal (sur des projets de voyages, et dans son lieu, l’Atelier Victor, où elle propose une expo chaque trimestre, en regards croisés le plus souvent.)

Tropisme est un terme utilisé pour les plantes à l’origine, c’est une réaction d’orientation dans une certaine direction provoquée par des agents extérieurs; transposé aux humains, ça parle de nos réflexes, à présenter ici, à l’Abat jour. C’est un atelier Galerie et je le vois donc aussi comme un terrain d’expérimentations.
L’expo est axée sur les sensations, les choses non perceptibles, et les choses du quotidien d’apparence anodine.

Melania : On a travaillé sur le lien humain à l’enfermement, à l’animalité. Et là aussi, le but était de proposer des regards très différents
sur un même sujet : quand t’arrives des façons que l’on a de réagir, qu’on croit naturelles mais qui sont des constructions culturelles, sociales.

Zacharie : Quelque part c’était déjà mon sujet, mais on avait tous un lien avec ça, avec l’idée d’être manipulés par des choses extérieures. Au début nous avons déniché les idées embryonnaires dans chacun de nos travaux et c’est ce qui nous a semblé le plus pertinent à présenter ici, à l’Abat jour. C’est un atelier Galerie et je le vois donc aussi comme un terrain d’expérimentations.
L’expo est axée sur les sensations, les choses non perceptibles, et les choses du quotidien d’apparence anodine.

Melania : On a travaillé sur le lien humain à l’enfermement, à l’animalité. Et là aussi, le but était de proposer des regards très différents
sur un même sujet : quand t’arrives
dans l’expo tu peux être surpris par un ensemble et des média hétérogènes, les photos, vidéos, installations, qui ne dialoguent pas de façon flagrante. Il faut un temps pour trouver le fil conducteur, même si, on l’espère, le parcours amène le spectateur à en avoir l’intuition.

Zacharie : On a voulu créer une sorte de parcours oui, donc forcément dirigé, et qui permettrait d’entrer dans différentes ambiances. C’est ce que je trouve le plus intéressant dans la création et la scénographie d’une expo : proposer un chemin qui facilite l’entrée dans la tête d’un artiste, créer une ambiance où participent l’image et le déplacement dans l’espace.

Melania : On expose dans différents lieux ensemble et individuellement. Dans des galeries, des ateliers, en festival photo en France ou à l’étranger, et dans des institutions plus classiques...

L’intérêt réside surtout dans les rencontres de gens qu’on n’aurait sans doute jamais approché autrement... Et puis, avoir une pratique de scénographie qui s’adapte à différents types de lieux, ça aussi c’est un sacré truc ! Ça oblige à repenser la narration à chaque fois, à penser à l’interaction avec le spectateur...

Photographie Laure Abouaf

Comment choisissez-vous vos thèmes ?

Zacharie : On a commencé par un voyage en Pologne. L’idée, vu que c’était notre premier thème, était d’apprendre à se connaître, de savoir comment on fonctionnait, chacun, dans nos processus de création.

Melania : On est parti pour se découvrir en action, se voir photographier sur un terrain inconnu de tous, avoir une pratique en « live » tous ensemble. Et c’est vrai que c’était vraiment enrichissant parce que même si on se connaissait avant on pratiquait tous plus ou moins de façon solitaire. Quand tout le monde voit les mêmes choses tu te dis que ton image ne sera peut-être pas plus intéressante que celle d’un autre, et c’est aussi pour ça que c’était un bon exercice, inutile de faire de l’exotisme ou du reportage plus classique, il nous fallait être personnels. Au final personne n’a rendu la même chose, parce que tout le monde s’est déplacé avec son histoire individuelle. Il y a ceux qui ont besoin d’être seuls, d’autres qui s’accommodent volontiers du groupe, qui se servent parfois même du groupe pour créer des images. Il y a ceux qui ont besoin de préparer avant, de préconstruire le travail, et d’autres qui sont plus dans l’errance, qui construisent d’abord à l’instinct, puis à l’editing (comme on reconstruit la logique d’un rêve au réveil, de façon consciente).

Zacharie : L’editing ça nous a permis de voir aussi comment on fonctionnait ensemble sur la sélection, ce qui est le plus important. Ça permet de voir quelles sont nos affinités, on ne s’en rend pas forcément compte, parfois on est un peu perdu dans nos images.

Ce qui est intéressant lorsqu’on part ailleurs, c’est de se retrouver sur un terrain qu’on ne connaît pas avec un sujet que l’on ne connaît pas forcément. Même en sachant où on allait, on ne savait pas vraiment à quoi s’attendre, c’est une contrainte qui donne beaucoup de liberté.

À présent quelle est l’envie du groupe ? Quels sont vos projets ?

Zacharie : On a plusieurs sujets en cours, notamment au sein du collectif, un projet d’exposition qui aura lieu en début mars sur le campus de la Doua (à la galerie Domus et à l’ENSSIB), un sujet sur la route, en correspondances, sur l’idée du voyage. C’est lié au fait qu’on était tous un peu éloignés géographiquement, notamment avec Ben qui est au Canada, et David, à Bayonne. C’est d’ailleurs un peu ça qui nous a donné l’idée, il fallait continuer à communiquer par l’image, et ce dispositif de correspondance un peu épistolaire nous a de suite séduit... correspondance entre nous et entre nos images. L’idée du voyage aussi, les inspirations fatalement beat generation, le fait de mélanger les écritures, d’expérimenter, encore. Ce sera aussi notre première expo dans la nouvelle formule du collectif à six.

Photographie David DUCHON

Photographie Mélanie AVANZATO

Melania : L’arrivée d’Arnaud il y a quelques mois a donné un nouveau souffle au groupe, il a encore un style différent, on s’enrichit d’un nouveau regard.
Une partie du collectif aimerait développer les installations et projets vidéo, Arnaud est aussi dans la même dynamique. Rien n’est jamais figé...

Zacharie : On avait cette motivation, aller un peu plus loin que la photographie en elle-même. C’est toujours intéressant d’aller voir ailleurs et de traiter des sujets qui nous intéressent et de les traiter de plusieurs manières, bosser sur la vidéo, sur le son, sur l’installation

Melania : On s’intéresse aux frontières, c’est d’ailleurs un sujet du collectif, sur le long terme. C’est un peu délicat car quand on a décidé de se lancer, c’était une semaine avant les attentats de 2015, puis les frontières ont été fermées, et le sujet, qu’on imaginait volontiers plutôt intime (l’idée de la frontière, la frontière mentale, la frontière rêvée) est devenu hyper politique.

Photographie Zachary GAUDRILLOT

Zacharie : C’était à la fois intéressant que ça devienne politique, et en même temps ça nous a bloqué. On ne traite pas l’actualité... En parallèle on travaille sur les quartiers de Lyon aussi, avec d’autres amis photographes comme Celsor Hererra Nunez (dont j’expose le travail sur le Chili le mois prochain à la galerie), Maud Mesnier, Cedric Friggeri et Julie Monestier. Par rapport au fait de travailler sur sa propre vie, ça nous permet d’avoir une sorte de regard extérieur sur son propre environnement et différentes visions de sa ville.

Melania : Idéalement on aimerait que chaque projet devienne un livre. Une petite collection qui relierait toutes ces histoires, et s’ouvrirait éventuellement à d’autres photographes. Ça reste dans les envies futures du groupe, continuer de s’exprimer de façon polymorphe.

Zacharie : Et même pas uniquement photographes d’ailleurs, c’est bien de mélanger les regards et les techniques, de travailler sur d’autres choses. On commence à tisser patiemment notre point de vue, fait de personnalités variées, de collaborations, d’expérimentations et de discussions à n’en plus finir qui accouchent parfois d’une idée qui enthousiasme tout le monde et nous lance sur une nouvelle piste !

Photographie Ben LORIAU

Amélie PRET 28 février, 2018
Amélie PRET 28 février, 2018
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