Nous avions besoin de ce feu pour y croire encore, quelque chose qui crépite jusqu’au-delà de l’écran pour nous assurer que le cinéma, dans son acception la plus classique, relève toujours de la magie.
Ce film a pu poser un problème de rapport et de regard. Est-ce que Tony Gatlif regarde sa jeune actrice d’un œil lubrique ? Des plans glissants, des mises en avant légèrement douteuses. Il n’en aura pas fallu beaucoup aux apôtres de la bonne morale pour tirer à boulets rouges sur le cinéaste au travers de son film et le ranger définitivement au rayon des patriarches porcins qui exercent leur art en toute domination. Mais qui, ayant vu le film, pourrait être sûr d’une telle affirmation ?
Il ne s’agit pas de dire que cette domination n’existe nulle part ou même qu’elle est un phénomène minoritaire. Il s’agit de remettre en question cette dimension dans le médium artistique où il n’est évidemment pas question de représenter le monde, mais plutôt d’une incarnation de celui-ci.
Daphne Patakia existe, elle est la matière et l’essence de ce film, elle est Djam : la guerrière qui chevauche contre le capitalisme et ses déboires. C’est bien ceux qui donnent la toute-puissance du regard de Gatlif qui nient alors l’exis-tence sine qua non de l’œuvre, c’est-à-dire la présence de cette ou plutôt de ces femmes, qui nous regardent et nous jugent. Il s’agit à travers les espaces et le corps de tisser une nouvelle toile de la société humaine.
Ce film se partage comme la musique que l’on fait le long des routes, comme la douleur de l’exil et le chant Kaixis final. Ce film est un navire de guerre fonçant droit sur les flottes impériales en arborant fièrement sur sa coque le nom de Liberté.