par Emma Guardiola et Maxence Bartoli
Jeux narratifs :
Appelé storygames en anglais, qui donne une grande importance au scénario que le joueur peut influencer par ses choix et actions en jouant. Il peut être d’action (Red Dead Redemption) ou plutôt basé sur un principe de cinématique interactive (Wolf Among Us)
Films interactifs :
Films où les spectateurs peuvent prendre des décisions pour influencer le cours du récit, on peut les qualifier de jeux narratifs mais souvent on leur donne le titre de film s’ils sont diffusés sur des services dédiés habituellement au cinéma. Pourtant par leur interactivité ils font partie du domaine du jeu vidéo.
Rappel :
Le jeu vidéo et le cinéma sont des milieux distincts mais pourtant intimement proches depuis les débuts du jeu vidéo.
Tous deux veulent faire vivre une expérience aux spectateurs, aux joueurs.
L’expérience de la salle est vue comme l’expérience cinématographique tandis que le jeu, lui, peut se jouer à la maison. Avec la crise de coronavirus, les salles sont fermées et l’utilisation du service de streaming explose. Les spectateurs sont plus disponibles, ils consomment plus de contenu audiovisuel.
Ils sont alors plus demandeurs mais également plus facilement exigeants. En effet si l’on consomme trois séries par semaine, on demande largement quelque chose d’innovant. Ne faudrait-il pas de nouveau réussir à faire vivre une expérience au spectateur ? Et la solution possible serait de trouver une juste frontière entre jeux vidéo et cinéma pour satisfaire les consommateurs des deux domaines. Qui n’a pas rêvé de maîtriser l’issue d’un film ? C’est possible avec les films interactifs. On peut parler de jeu narratif si celui-ci penche plutôt dans le domaine du jeu vidéo. Le fait est que dans le type du film interactif, on retrouve une force de scénario très importante tout en ajoutant une dynamique de gameplay (système de jeu). Le joueur peut interagir avec l’environnement et prendre des décisions qui influent le déroulement de l’histoire.
Il existe plusieurs échelles de film interactif ou jeu narratif, allant du simple choix de dialogue, aux mouvements dans le décor, même un jeu d’action sera assimilé au jeu narratif si l’on prend des décisions qui ont un impact sur le scénario. Cette interaction est une volonté du cinéma antérieure à la création du jeu vidéo, on remarque le film Kinoautomat (1967) réalisé par Radúz Činčera où un animateur se présentait à certains moments du film pour recueillir le choix des spectateurs et mettre la bobine qui correspondait.
D’un point de vue technologique, les deux domaines ne sont pas si différents, on note dans le jeu vidéo une montée de l’importance de la motion-capture, de castings connus et de la volonté de donner un aspect cinématographique à la moindre cinématique.
Tandis que le jeu vidéo veut se rapprocher du cinéma, le cinéma peut trouver une originalité nouvelle dans le jeu vidéo.
Historique :
On peut dire que le concept de films interactifs existe depuis longtemps dans le domaine du jeu vidéo, mais on le cantonnait à celui-ci sous le nom de jeu narratif. Cela le réduisait au public de joueurs, n’intéressant pas spécialement les cinéphiles. Parmi les joueurs cela n’était qu’une petite part du marché puisqu’on leur reprochait aussi un manque d’action.
Peut-être qu’en s’étendant aux services de streaming, au cinéma, ces jeux narratifs, sous le nom de film interactif, vont convaincre une nouvelle audience.
Le cinéma et le jeu vidéo c’est trente ans de liaison. Au départ le cinéma voyait dans le jeu vidéo un merchandising au même titre que des gobelets ou goodies, d’où le fait qu’il y avait beaucoup d’adaptations de films en jeux. C’est quand certaines sociétés comme LucasArts ont vu le potentiel de créer des licences propres qu’on a commencé à réfléchir au jeu en lui-même, des aventures et des scénarios plus travaillés.
Phantasmagoria (1995) est l’un des premiers jeux qui s’apparenterait plutôt à un film interactif, tourné avec de vrais acteurs il était possible de faire des choix influençant l’issue des séquences. La vidéo (live-action) dans le jeu a toujours été un enjeu innovant dans le domaine du jeu vidéo. Dans le jeu Quantum Break (2016), entre chaque chapitre était un court métrage complet, choisi en fonction des choix faits dans la séquence de jeu le précédant. La collaboration se fait par la maîtrise de nouvelles technologies que le secteur du jeu vidéo utilise quotidiennement.
Si les deux mondes entrent peu à peu en compétition, ils se complètent et s’entremêlent pour offrir de nouvelles expériences et s’inscrire dans l’innovation. Depuis quelques années il y a une augmentation de l’apparition des nouveautés innovantes dans le marché du cinéma de streaming, par exemple avec Black Mirror Bandersnatch film interactif de Netflix (2019) ou Mosaic (HBO – 2018),
les plateformes VOD souhaitent se valoriser en proposant plus de films à ce format car donner le choix aux spectateurs et varier le contenu d’une œuvre la rend indémodable,
on ne ressent plus la lassitude de voir toujours la même chose. En ce contexte de manque de culture, il est important de continuer d’innover sur le petit écran. Certaines salles de cinéma réfléchissent à des moyens de transposer le système de film interactif sur le grand écran, à l’aide d’applications de votes pour choisir ce qui se passera ensuite (Late Shift – Royaume Uni).
Quel horizon pour cette interaction aux spectateurs ?
Les films interactifs ne sont pas l’avenir du cinéma, ils sont un avenir du cinéma. Il y a encore de la place pour les films linéaires tout comme les séries, les romans…
Il s’agit juste d’une nouvelle expérience.
La popularité des jeux vidéo n’est pas étrangère au phénomène, elle influe directement sur l’évolution du genre cinématographique. Début 2019, Netflix annonce : « Nous sommes en compétition (et perdons) face à Fortnite avant même HBO (…) Notre
attention est moins concentrée sur Disney+, Amazon ou autres, que sur la façon dont nous pouvons améliorer l’expérience de nos utilisateurs » (déclaration de Netflix dans une lettre pour ses actionnaires). Il est question d’avoir une expérience, comme l’a le joueur devant son jeu.
Les films interactifs sur les services de streaming comme Netflix pourraient étendre le marché du jeu à une audience plus massive, incluant les non-joueurs. Il y a une augmentation de l’intérêt même si c’est le début du développement. Les jeunes ne s’embêtent pas de savoir si c’est un jeu vidéo ou une série télévisée, ils veulent de l’innovation. On note que certains jeux vidéo ont repris le concept sériel de la télévision, comme Life is Strange (2015) qui sortait sous forme d’épisodes. Cela implique un risque de perdre l’intérêt du joueur dans l’attente, mais c’est une autre preuve que les deux domaines s’inspirent l’un de l’autre depuis longtemps.
Seulement il y a un risque en développant l’aspect cinématographique du jeu vidéo. Les jeux de la société Telltales Games par exemple s’épuisant peu à peu, ils étaient basés sur des longues cinématiques de dialogues où le joueur pouvait interagir sur la discussion, ou faire une série de touches pour des scènes de combats par exemple. Manque d’interaction, trop de cinéma ? Il y a un risque de perdre les « gamers » en se rapprochant trop du cinéma. Les jeux narratifs demandent de très bons scénaristes tout en gardant un intérêt fort pour le gameplay. Le système développement n’est pas le même, un jeu pensera d’abord au système de jeu appelé gameplay tandis qu’un film pensera d’abord au scénario. C’est ainsi que souvent un film interactif sera mal réfléchi dans son interactivité aux joueurs, trop pauvre en gameplay, parce qu’on a privilégié une réflexion sur l’histoire au lieu de penser à comment interagir avec le joueur. Il faudrait donc que chacun des deux domaines réussissent à s’appuyer sur l’autre pour trouver la juste balance, pour conquérir les deux audiences. On reproche aux jeux vidéo trop «cinématographiques» d’être ennuyeux et de manquer d’action.
Le film interactif est un moyen d’innover dans le secteur du service de streaming, particulièrement en l’absence de salle et avec l’ennui provoqué par les confinements répétés.
Il faut savoir proposer de nouveaux produits originaux qui parviennent à stimuler le spectateur, il est actif dans son expérience.