La cigarette au cinéma
Une représentation multiple

Agnès Buzyn, ancienne ministre de la santé, affirme en 2017, qu’elle ne « comprend pas l’importance de la cigarette dans le cinéma français ». Un élément pourtant assez banal dans la vie quotidienne qui envahit nos écrans depuis maintenant plus d’un siècle. Au cœur des débats ces dernières années, la cigarette est probablement l’accessoire le plus fort au cinéma. Présent notamment dans le cinéma français, la cigarette s’enracine dans le décor. On re-marque selon une étude de la ligue contre le cancer publiée en mai 2021 que le tabac trouve sa place dans plus de 90% des films français de 2015 à 2019. Tandis que la part de fumeurs réguliers en France n’est en réalité qu’à 25%. La question se pose alors, pourquoi cette omniprésence du tabac dans le monde du septième art ?

Pendant longtemps, fumer une cigarette n’était autre qu’un marqueur de liberté. Une liberté que l’on retrouve à travers diverses figures entre autres féminines telle que Catherine Deneuve. Un simple geste qui pourtant montre l’émancipation de la femme, un symbole d’affirmation de soi.

Autrefois, nombreuses ont été les attitudes réservées exclusivement à l’homme. Par conséquent, une femme fumant une cigarette à l’écran a, pendant longtemps, été une action contrant ces comportements destinés à la gent masculine. Une femme qui fume est synonyme de femme libre.

Catherine Deneuve et Francoise Dorléac qui fument

La représentation de la cigarette repose principalement sur l’aspect social. Nul besoin d’être un as en sociologie pour le comprendre. Et c’est également le cas dans notre univers cinématographique.

Un personnage fumant une cigarette n’est autre qu’un personnage qui s’affirme. Cela fait partie de sa personnalité, la cigarette la construit. Il est sûr de lui, charismatique et indépendant. C’est l’image que nous retrouvons chez de nombreux protagonistes comme Thomas Shelby de la série Peaky Blinders. Pourrions-nous imaginer le héros de l’histoire sans une cigarette à la bouche ?

Thomas Shelby, une cigarette à la bouche

Ayant fumé des milliers et des milliers de cigarettes durant de multiples saisons, cette dernière est pratiquement l’extension du bras de notre Tommy tant cet accessoire s’ancre dans son personnage.

Nous retrouvons dans cet objet un élément permettant de figer le temps. Une pause clope, c’est une pause tout court. Un moment qui permet au personnage de souffler, synonyme d’attente et de patience. Moment où l’on se retrouve dans l’intimité du personnage qui fume, un moment de confession qui nous permet d’en apprendre davantage sur son histoire. La cigarette donne un sens à l’histoire, au monde dans lequel se déroule le film. Un moyen de structurer l’œuvre.

La fumée, à la fois impalpable et invisible, est semblable à l’esprit. Ne serait-elle pas une métaphore de l’âme de l’individu ? Le tabac est parfois tellement culte qu’il rend éternel. L’image que nous avons d’une figure emblématique qui fume comme Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (Blake Edwards, 1962), Al Pacino dans Scarface (Brian De Palma, 1983) ou encore Jean-Paul Belmondo dans la plupart de ses apparitions, ne cesseront d’être aussi populaires. On associe généralement l’action de fumer aux gangsters, avec les films de Tarantino ou de Scorsese.

Tony Montana tenant un cigare à la main

Il s’agit ici d’un réel trait de caractère commun à tous ces méchants. Idée aussi que l’on retrouve chez Disney où seuls les mauvais personnages ont une cigarette à la bouche, Cruella d’Enfer (Les 101 Dalmatiens, 1961) en est le parfait exemple.

Cruella avec un porte cigarrette

Mais dans la vraie vie, est-ce tout à fait la même chose ? La place du tabac dans notre société repose entièrement sur le caractère social. Comme dans les films, les individus et notamment les plus jeunes pensent retrouver dans la cigarette un réel marqueur de liberté. Un moyen de s’affirmer qui répond à des attentes à la fois identitaires et relationnelles : imiter son entourage mais également ses idoles du grand écran, forger son caractère et sa personnalité autour. Un moyen pour la jeunesse de marquer le passage à l’âge adulte, comme le semblant de liberté que détiennent nos personnages du septième art.

KimLy Del Rosario 9 juin, 2023
KimLy Del Rosario 9 juin, 2023
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