La représentation de la santé mentale dans les films

Le 10 octobre dernier, c’était la journée de la santé mentale : Une journée de sensibilisation pour donner de la visibilité sur l’importance de celle-ci. D’une manière ou d’une autre, ce sujet nous touche : Personnellement ou autour de nous, dans la réalité ou dans la fiction, représenter la santé mentale dans les films devient une réelle expérience sensible. De nombreux films explorent le spectre de la vie inconsciente et des troubles psychiques comme les troubles obsessionnels compulsifs, la depression, les troubles dissociatifs de la personnalité ou encore le stress post-traumatique : Voici quelques films qui m’ont personnellement marquée et qui mettent en lumière certains troubles psychologiques.

I – les troubles anxieux graves

Les troubles anxieux graves constituent une maladie psychique fréquente qui s’exprime sous diverses formes (anxiété généralisée, phobies, trouble panique...) et perturbe fortement la vie quotidienne : L’anxiété peut-être sur courte ou longue durée avec plus ou moins d’intensité et les réalisateurs ont représentés ces troubles anxieux graves dans certains de leurs films.

BLACK SWAN, Darren Aronofsky, 2011

Synopsis : Dans ce film, nous suivons Nina (Nathalie Portman), une jeune danseuse de ballet qui rêve d’obtenir le rôle principal du cygne blanc et du cygne noir dans la nouvelle mise en scène du maître de ballet Thomas Leroy (Vincent Cassel) pour « Le Lac des Cygnes » et elle va être prête à tout pour y parvenir.


 Ici nous pouvons alors voir que, poussée par son maitre de ballet, Nina va aller au-delà de ses limites, ce qui va engendrer des troubles graves de l’anxiété mais surtout une obsession de la perfection : On voit alors qu’elle subit de l’anxiété par son métier de danseuse qui demande beaucoup de ri-gueur et de retenue mais aussi par sa mère qui fut autrefois danseuse et qui lui a transmis sa passion de la danse comme la frustration de n’avoir jamais atteint le succès que Nina a. Elle a toujours été dans la retenue, le contrôle de soi qui est éreintant et qui provoque de l’angoisse, décuplée lorsque Le Lac des Cygnes va se mettre en scène. 

Une des scènes qui m’a particulièrement marqué c’est lorsque Nina est en répétition et qu’elle doit montrer à son professeur de danse à la fois le Cygne Blanc et le Cygne Noir : La caméra l’accompagne et danse avec elle lorsqu’elle exécute la partie du Cygne Blanc puis lors du Cygne noir, la caméra se pose en plan rapproché sur son visage puis il y a un champ contre-champ entre Vincent Cassel qui hurle sur Nina et Nina qui se donne pour exécuter les pirouettes. Cette scène-là, en tant que spectatrice, m’a marquée parce que j’ai senti l’insistance du professeur pour que Nina lâche prise avec « attack it ! » : Elle se donne corps et âme mais ce n’est pas suffisant. Et on voit l’angoisse se dessiner sur son visage dès que sa rivale Lily (Mila Kunis) rentre dans la salle : Elle craint qu’elle la remplace et donc elle doit être parfaite, ce qui provoque davantage de l’anxiété et même de l’autodestruction physique et psychique. 

WHIPLASH, Damien Chazelle, 2014

Synopsis : Andrew Nieman, un jeune batteur de jazz (Miles Teller) vient de rentrer dans l’une des meilleures écoles de musique du pays et est repéré par le professeur très exigeant Terence Fletcher (J.K. Simmons), Andrew va essayer de remplir les attentes toujours aussi inatteignables de son professeur.

 
Dans Whiplash, le protagoniste va subir une lourde pression d’une part parce qu’il a réussi à accéder à quelque chose d’exceptionnel pour lui : Il a été repéré par un professeur avec une grande renommée et il est nommé premier batteur à la suite d’un concert. Ainsi, il faut qu’il soit à la hauteur et donc se développe une anxiété : Par la peur de l’échec, d’être remplacé et de combler les attentes de Fletcher c’est-à-dire la perfection. Mais d’autre part, il va aussi subir une lourde pression de la part de son professeur qui va l’intimider, lui hurler dessus, le frapper, lui jeter des partitions à la fi-gure et même le piéger au concert final en ne lui donnant pas les bonnes partitions. Son enseignant va toujours repousser les limites de son élève afin qu’il se surpasse : Ainsi, il développe une peur irrationnelle de l’échec traduit par de l’anxiété créant une souffrance physique et psychique. 

La première fois que j’ai vu Whiplash, j’ai été profondément perturbée par la scène du concours de son groupe où Andrew oublie ses baguettes à une agence de location de voiture et qu’il a 10 minutes pour faire l’aller-retour sinon son camarade lui prend sa place : Les actions s’enchainent, la mu-sique va vite, tout s’accélère au fur et à mesure qu’Andrew arrive dans sa voiture, qu’il appelle son camarade en lui hurlant dessus qu’il arrive mais dès le moment où il se fait percuter par un camion, la musique s’arrête et un plan séquence démarre où Andrew est bien plus préoccupé d’arriver à l’heure au concours plutôt que l’accident qu’il vient de subir. J’ai trou-vé ça impressionnant surtout le moment ou Fletcher arrête le morceau de musique, dit à Andrew que sa carrière est finie et qu’il se jette sur lui : Ce moment-là, c’est le relâchement de toute une rigueur qu’il s’est imposé qui part en éclat, il explose et relâche toute sa frustration et son anxiété sur lui.

En somme, Black Swan et Whiplash se rejoignent dans l’idée de l’obsession de la perfection, le maître qui surmène l’élève, la peur d’être remplacé et l’anxiété de ne pas combler aux attentes des autres. 

II – accepter et surmonter la dépression

La dépression (ou trouble dépressif) est une maladie psychique fréquente par ses troubles de l’humeur, une vision pessimiste du monde et de soi-même, une solitude intense perturbant notre quotidien. Certains films illustrent alors comment les protagonistes gèrent leur dépression. 

HER, Spike Jonze, 2013 

Synopsis : Dans un futur proche aux Etats-Unis, Théodore (Joaquin Phoenix) souffre de dépression et de solitude après le divorce avec son ex-compagne. Alors il installe une intelligence artificielle du nom de Sa-mantha (Scarlett Johannson) et va vivre une histoire d’amour.

Ainsi, à travers Samantha, Théodore va se relever et surmonter sa depres-sion : Il va reprendre goût aux choses simples de la vie en faisant le deuil de son ancienne relation et de sa solitude. J’ai adoré ce film et j’ai beau-coup aimé la scène où Theodore et Samantha sont à la fête foraine et qu’ils passent une très bonne soirée : On voit Théodore et son téléphone tour-noyer ensemble tandis qu’ils rigolent. J’ai beaucoup aimé cette scène parce que j’ai vraiment senti qu’ils apprenaient à se connaître et on en oublie presque que Samantha n’est pas une véritable personne. De plus, Théodore sourit, s’amuse et se sent à l’aise avec Samantha : Elle l’aide à se détendre et à profiter de ce qu’il entoure. C’est un petit rayon de joie dans une période morose de sa vie et on voit un instant de vie qui lui permet de surmonter sa dépression et sa solitude. 

HAPPINESS THERAPY, David O. Russel, 2012

Synopsis : Pat Solitano (Bradley Cooper) a passé 8 mois dans un hô-pital psychiatrique pour soigner sa bipolarité et sa dépression après avoir surpris la tromperie de sa femme. Par un dîner entre les amis de son ex-femme, Pat fait la rencontre de Tiffany (Jennifer Lawrence) et lui propose d’être son partenaire de danse en échange d’un contact avec son ex-femme. S’en suit alors une amitié puis une histoire d’amour entre eux.


Ce qui est intéressant, c’est que les deux protagonistes sont atteints de de-pression : En effet, Pat essaye de se remettre de la tromperie de sa femme et Tiffany accepte doucement la mort de son mari et son licenciement car elle a couché avec des collègues de son entreprise.

Au début du film, lors de la rencontre entre Pat et Tiffany, ils abordent le sujet des médicaments qu’ils prennent ou qu’ils ont pris et ils ont directe-ment accrochés en parlant de leur santé mentale fragile plutôt que le fait que Tiffany fait de la danse ou que Pat sait d’où vient l’origine du mot « okay » : La scène est assez amusante et inattendue, renforcée par le dia-logue filmé en plan rapproché et en champ-contre-champ, ce qui donne l’impression que les répliques vont vite et qu’ils se répondent du tac au tac tandis que l’un préfère tel antidépresseur. Cette scène m’a particulièrement interpellée parce qu’ils savent tous les deux qu’ils ont des troubles psy-chiques et mettent cartes sur table dès leur rencontre. Ils vont se soutenir et s’entraider à travers un concours de danse pour surmonter leurs dépres-sions et autres soucis psychiques respectifs.

Ce qui est intéressant dans Her et Happiness Therapy, c’est que les deux protagonistes font une rencontre inopinée qui va les aider à accepter et à surmonter la dépression et la solitude ensemble.

III – le stress post-traumatique : les traumatismes subis pendant l’enfance

Les troubles du stress post-traumatique (TSPT) sont des troubles psychia-triques qui surviennent après un événement traumatisant. Ils se traduisent par une souffrance morale et des complications physiques qui altèrent pro-fondément la vie personnelle, sociale et professionnelle. Cela touche les enfants mais aussi les adultes confrontés à un événement marquant où ils ont été témoins ou victimes, sentant de l’effroi et/ou de l’impuissance face à la situation. 

GOOD WILL HUNTING, Gus van Sant, 1998 

Synopsis: Will Hunting (Matt Damon) est un jeune homme surdoué mais très perturbé. Ayant arrêté ses études très tôt, il traîne avec ses amis et est régulièrement impliqué dans des bagarres, des vols et d’autres délits : Après une bagarre avec un policier, Will Hunting n’est pas poursuivi s’il est suivi par un psychologue alors avec l’aide du docteur Sean Maguire (Robin Williams), Will Hunting va vouloir une nouvelle vie.


 On apprend que si le jeune Will Hunting commet souvent des délits, c’est parce qu’il subissait des abus de la part de son père violent mais aussi de sa mère : Ayant souvent été abandonné, il a, au fil des années, développé du stress post-traumatique mais également a construit un mécanisme de défense en rejetant toute personne qui se rapproche de lui. Mais grâce à Sean Maguire, il va l’aider à appréhender et à accepter ses traumatismes pour évoluer et découvrir ce que la vie à offrir d’autre que l’alcool, la ba-garre et la violence. 

La scène où Skylar propose à Will de venir habiter avec elle en Califor-nie est particulièrement touchante et nous dévoile les abus qu’il a subi en étant enfant : Mais de plus, cela renforce l’idée qu’il craint de partir de ce qu’il connaît pour aller découvrir quelque chose d’inconnu. Le dialogue filmé en champ-contre-champ comme la caméra qui bouge voire tremble montre alors l’énervement, la panique, le stress, les traumatismes qui l’en-vahissent et refuse l’aide et l’amour de Skylar, étant un mécanisme de dé-fense pour éviter de s’attacher et d’être davantage blessé. Il n’a connu que la violence, les abus depuis son enfance et frappe dans un mur au lieu de frapper Skylar pour essayer de ne pas être comme son père. Ainsi cette scène montre alors les inégalités des chances entre Skylar, qui a plus de moyens que Will mais surtout montre le stress post-traumatique et l’en-fance douloureuse qu’a subi Will.

LE MONDE DE CHARLIE, Stephen Chbosky, 2012

Synopsis : On y suit Charlie (Logan Lerman), un lycéen qu’on trouve « bizarre », « sensible » et qui reste seul. Un jour, il rencontre deux étu-diants, Patrick (Ezra Miller) et Sam (Emma Watson) et découvre alors la fête, l’amour, l’amitié…


Adapté de son propre roman, on apprend à la fin du film que Charlie a été abusé sexuellement par sa tante qui est morte dans un accident de voiture peu avant que Charlie rentre au lycée. Un épisode traumatisant intériorisé jusqu’à ce qu’il remonte à la surface par sa psychiatre. Il va alors décider de prendre soin de sa santé mentale en allant dans un hôpital psychiatrique. La scène où Charlie apprend que sa tante a abusé de lui resurgit par une expérience de mémoire involontaire : En effet, ce procédé est théorisé par Marcel Proust dans son livre Du Côté de chez Swann, premier volume de A la Recherche du Temps Perdu autrement appelé La Théorie de la Made-leine. Le protagoniste mange son morceau de madeleine trempé dans une infusion au tilleul et se rappelle immédiatement des souvenirs d’enfance heureux. 

Dans le cas de Charlie, c’est loin d’être un heureux souvenir : En effet, après avoir embrassé Sam (Expérience sensible), des images resurgissent. L’effet flou de l’image nous rappelle alors qu’il s’agit d’un flash-back ou une ana-lepse. Ainsi de nombreux souvenirs resurgissent tous en même temps et Charlie perd le contrôle sur soi-même : En mélangeant l’expérience trau-matisante de son enfance et ceux qu’il a vécu ces derniers mois, nous le voyons faire une crise d’angoisse accentué par les plans plus courts, les sé-quences plus rapides et l’expression corporel de l’acteur qui pleure, faisant les 100 pas dans sa maison, se passant la main sur le visage et sur sa tête, étant sur que c’est de sa faute si sa tante est décédée dans un accident de voiture. Pour avoir lu le livre et vu le film, ce passage m’a toujours émue et est un gage de l’expérience traumatique qu’il a subi et toute l’angoisse et le stress derrière cela.

Ainsi, le cinéma devient un moyen d’illustrer les spectres de la santé men-tale : Il ya pleins de films et séries qui traitent d’autres troubles psychiques que je n’ai pas pu citer mais je voulais parler de ces films m’ont personnelle-ment touchée et que je vous recommande vivement de (re)voir.

Prenez soin de vous et des autres.

Cassandre TOURDES 31 décembre, 2022
Cassandre TOURDES 31 décembre, 2022
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