Le bal des folles
de Mélanie Laurent

CE FILM EST UN VÉRITABLE HYMNE À LA LIBERTÉ  POUR LES FEMMES DU 19EME SIÈCLE QUI ONT ÉTÉ CONTRAINTES AU SILENCE.

Le bal des folles est un film adapté d’une histoire vraie : celles de femmes internées à l’hôpital Pitié Salpêtrière de Paris dans le service du docteur Charcot en 1885. Il met en scène le destin tragique d’Eugénie, qui est amenée de force par son père à la Salpêtrière car elle affirme avoir la capacité de communiquer avec les défunts. En ce sinistre lieu dirigé par le docteur Charcot, elle y fera la connaissance de femmes internées depuis de nombreuses années qui sont les cobayes des thérapeutes masculins. Ce film de la célèbre actrice et réalisatrice Mélanie Laurent, est inspiré du roman de Victoria Mas qui obtient en 2019 le prix Renaudot des lycéens. Cet article a pour but de présenter le film, attention des éléments clés y sont dévoilés.

C’est l’actrice Lou de Laâge qui interprète le personnage d’Eugénie : une belle jeune femme instruite à fort caractère, qui dit sans retenue ce qu’elle pense et qui a un fort désir d’émancipation. L’événement qui illustre parfaitement sa mentalité est lorsque son frère discute avec la fille d’une amie à leur parents, Hortense, qui est heureuse de faire « son entrée dans le monde ». A l’époque, faire son entrée dans le monde signifie pour une jeune femme de participer à une réunion mondaine où l’on fait d’elle une candidate à marier. Eugénie s’immisce donc dans la conversation et répond d’un ton critique qu’il n’y a rien de plus dégradant d’être présenté comme une pouliche dont on montre les dents, les poils et la croupe. Elle fera les frais par la suite des réprimandes de son père, qui la qualifie de « pauvre sotte ». Elle a une manière de penser qui n’est pas en accord avec les convenances de l’époque ce qui crée un véritable scandale auprès de son entourage. Malheureusement, une femme qui sait est une femme dangereuse.

Eugénie possède le don de communiquer avec les défunts, elle subit de nombreux moments de crises où elle dit ressentir la détresse des esprits qui ont besoin de son aide. Elle va commettre l’erreur de se confier à un membre de sa famille, ce qui va amener son père à l’incarcérer de force à l’hôpital de la Salpêtrière. Elle va y faire la rencontre de Geneviève, incarnée par Mélanie Laurent. Une infirmière froide, dépourvue d’empathie, qui a été élevée dans le respect de la science et de la raison. La relation qu’elle va avoir avec Eugénie est assez singulière car elles sont étroitement liées mais surtout elles ont besoin l’une de l’autre.

Par la suite, elle va faire la connaissance des autres patientes du dortoir. Elle rencontre sa voisine de lit Louise, qui lui présente les femmes : Henriette mélancolique, Margueritte qui n’est jamais contente, Thérèse qui a poussé son compagnon dans la Seine. Louise, est quant à elle la patiente favorite du docteur Charcot, celui-ci l’expose régulièrement à une assemblée d’hommes médecins comme cobaye pour ses expériences d’hypnose. Les femmes sont donc utilisées au service de la science. On remarque qu’il n’y a que de femmes et aucun homme, comme si les troubles mentaux ne concernaient que la gent féminine. En effet, Au 19eme siècle, les femmes qui se révèlent insoumises, qui se révoltent et qui sont jugées non conventionnelles risquent l’enfermement. Il en est de même pour les femmes qui refusent d’être mère et épouse, elles entrent aussi dans la catégorie des aliénées. De plus, les médecins établissent un lien entre folie et menstruation.

Par ailleurs, ce film est un véritable hymne à la liberté pour les femmes du 19eme siècle qui ont été contraintes au silence. On suit le destin de femmes victimes d’une société patriarcale qui condamne tout comportement faisant l’objet d’une réprobation sociale. Eugénie et ces femmes sont non seulement victimes de leur époque mais aussi de ces hommes. La protagoniste féministe est bien trop en avance sur son temps. Elle a une envie irrépressible d’exister au même titre que les hommes car elle vit dans un monde où elle n’est pas entendue. Cependant, ce qui crée une véritable indignation auprès du spectateur, c’est que les femmes internées subissent des violences aussi bien des hommes que des femmes. Il est révoltant de voir des femmes participer à l’oppression d’autres femmes comme s’il y avait une sorte de hiérarchie à la Salpêtrière où l’homme est toujours au pouvoir : d’abord les aliénés puis les infirmières et pour finir le docteur Charcot.

Cet œuvre est incontestablement un réquisitoire contre les sévices imposés aux femmes. D’autre part, il met aussi en exergue un fait d’actualité, qui est la violence gynécologique : il y a une scène assez violente, où Eugénie est forcée de se rendre à la visite de routine du gynécologue qui lui met sans ménagement un spéculum dans le vagin. On remarque alors que le spéculum est ensanglanté.

On constate également qu’il y a de nombreuses scènes où elle angoisse, suffoque, se met à ôter son corset et finit par respirer de nouveau. On peut sans doute en déduire une dimension symbolique. En effet, le corset à l’époque est une pièce glamour de la lingerie féminine mais pour certaines femmes il est contraignant car celui-ci est bien trop serré. Il ne laisse aucune liberté de mouvement mais c’est pourtant un élément capital de la féminité.

Enfin, on en vient au bal de la mi-Carême, celui que l’on nomme « Le bal des folles ». Un événement très attendu des pensionnaires qui leur donne un sentiment de liberté et l’impression de vivre normalement. Ce bal malsain est organisé par les médecins de l’établissement pour divertir la bourgeoisie en exposant les patientes comme dans un zoo. On peut les assimiler à des bêtes de foire. On assiste à une sévère déshumanisation.

Pour conclure, on est amené à se demander qui sont les plus dérangés entre malades et soignants. Il faut tout de même avoir un esprit déséquilibré pour avoir l’idée d’organiser un tel événement où est invité le tout Paris. Parmi ces femmes qui sont l’attraction de la soirée, il y a de vraies malades mais aussi des femmes saines d’esprit dont les pères et maris ont voulu se débarrasser.


Koan LOUDUN 30 juin, 2022
Koan LOUDUN 30 juin, 2022
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