Les chats au cinéma

Des chats qui ronronnent dans le confort des bras de leurs maîtres, d’autres qui swinguent, des minous qui sauvent le monde, qui sont chassés par des souris, qui se révèlent être des extraterrestres, d’autres qui se battent ou qu’on adore détester… : le cinéma offre mille rôles à ces boules de poils qui y ont aussi toute leur place. Retour sur la figure du chat au cinéma, pleine de ressources pour bon nombre de metteurs en scène.

LES PREMIÈRES VEDETTES

Un chat dans La Loupe de Grand-Maman

En effet, dès ses premiers pas, sans doute sachant le phénomène incroyable qu’ils provoquent en nous (car c’est bien eux qui nous domestiquent plus qu’autre chose), le cinéma les mettait déjà en scène. Appelé a posteriori « le cinéma-attraction », cet art alors nouveau-né construit des films de seulement quelques minutes, souvent résumés par leur simple titre, présentant une action simple. Ainsi on retrouve les premiers chats de l’histoire du cinéma dans un film de Dickson, Boxing Cats, en 1894. Dans La Loupe de Grand-Maman, alors que l’école de Brighton s’oriente déjà timidement vers un cinéma qui raconte une histoire, « cinéma-narration », on s’affole devant la frimousse du chat de la grand-mère. Enfin, tournant des « home movies », dans le cadre de leur vie de famille, les frères Lumière présentent eux aussi leurs tendres compagnons domestiques, notamment dans La Petite Fille et Son Chat (1899). Première leçon tirée : chats = succès public.

TENDRES COMPAGNONS : RÔLE DIÉGÉTIQUE ET TECHNIQUE

Par la suite, c’est une longue histoire d’amour (qu’on n’est pas sûrs de savoir réciproque). Le rôle du chat est bien souvent à l’écran celui du compagnon, témoin silencieux de nos joies et de nos peines, qui semble nous comprendre mieux que tout le monde, et qui ne nous pose jamais de questions. Dans Camille Redouble, il est un prétexte narratif aux confidences de l’héroïne, se nouant ainsi avec le spectateur, qui, lui aussi silencieux, fait face à ces mots, mieux compréhensibles.

Holly Golightly et son chat

Citons aussi le chat de Diamants sur Canapé, film de Blake Edward sorti en 1961, dans lequel Audrey Hepburn en fait, elle aussi, voir de toutes les couleurs à son chat. La scène de la recherche du chat sous la pluie reste mythique, d’autant plus qu’elle le retrouve en même temps qu’elle aperçoit son Jules. Ce minou n’est pas n’importe lequel, car il est interprété par l’un des plus grands acteurs chats : Orangey, lauréat d’un Patsy Award (si, si, ça existe).

Les chats mènent donc leurs maîtres dans des situations improbables, reflètent leur mode de vie ou caractère, du chat de gouttière au plus haut pedigree. Aussi, ils jouent bien souvent d’eux, fusillant de leurs regards impitoyables tandis qu’on s’attendrit lamentablement devant leurs frimousses. 

Cependant, au-delà de l’aspect narratif, ils sont aussi prétexte à des mouvements de caméra. Figurants, ou simples chats en déambulation, il n’est pas rare de voir la caméra le suivre d’un mouvement, révélant un objet du cadre. C’est le cas au début de Fenêtre sur Cour ou encore de Vincent de Tim Burton, où il est celui qui introduit la narration et la caméra.

Enfin, dans Captain Marvel, le chat réserve plus de surprises : il se révèle être un extraterrestre Flerken d’un grand intellect… De quoi se demander si nous connaissons vraiment nos compagnons.

VARDA

S’il y a une cinéaste qui n’a cessé, tout au long de sa carrière de célébrer les minous, c’est bien Agnès Varda. Folle de ces boules de poils, elle leur donne souvent un rôle important dans ses films. On peut penser notamment à Cléo de 5 à 7, dans lequel ils sont omniprésents, venant ainsi refléter l’image précieuse et la démarche féline de la protagoniste superficielle. Varda les aime tellement qu’elle en fera le logo de sa maison de production Tamaris. Elle-même maîtresse de plusieurs chats, ils l’inspirent dans son travail de cinéaste comme de plasticienne, comme pour La Cabane du Chat, exposée en 2016 à la Fondation Cartier. On le comprend : le chat est le double de la cinéaste, animal auquel elle s’identifie. Quand son chat Zgou-gou décède en 2006, elle crée d’ailleurs un tombeau en coquillages. 

Logo de la société de production et de distribution, Ciné-Tamaris

MALÉFIQUES

Mais on les a aussi bien souvent détestés : souvenez-vous d’abord de l’horrible Lucifer, dédaigneux dans Cendrillon : ce n’était que le début ! Dans L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold, le héros se voit menacé par son propre chat, dont il découvre l’instinct qui nous paraît alors cruel, ayant changés d’échelle.

Un plan du film L’Homme qui rétrécit

Et si vous voyez très bien tout de suite le chat du méchant dans Inspecteur Gadget, rappelez-vous de celui de l’impitoyable Dr. No dans James Bond contre Dr. No : Blofeld (c’est son nom) contraste en effet avec la tyrannie du Docteur, représentant un calme cachant de la fourberie. Cette figure du matou est reprise d’ailleurs dans Bons Baisers de Russie. Pendant les premières minutes du Parrain, Marlon Brando est présenté caressant un minou, lui aussi identifiable au protagoniste sachant faire preuve de patience… jusqu’à se révéler sans pitié pour qui le brosse à rebrousse-poil.

Un chat dans Bons Baisers de Russie

Dans une autre veine, miss Teigne, dans les Harry Potter décroche la palme du chat le plus désagréable de l’histoire du cinéma. Pas loin derrière, on retrouve les chats siamois de La Belle et le Clochard, eux aussi fourbes, et sournois, un peu comme le chat d’Alice au Pays des Merveilles.

CHAT, TROP HUMAIN

Néanmoins, s’il y a un cinéma qui déroule le tapis rouge aux chats, c’est le cinéma d’animation. D’abord, comment ne pas penser, chez Disney, à l’ultra-culte Les Aristochats ? Ah ! quand Disney nous donne envie d’être un cat !


La magie générée par le cinéma d’animation favorise un détachement du réel, et est donc propice à leur anthropomorphisation, c’est-à-dire qu’ils prennent des attributs humains. Les chats animés parlent, marchent sur deux pattes ou nous mettent K.O à un concours de swing. Cette anthropomorphisation généralisée au cinéma d’animation facilite ainsi l’identification du spectateur à ces drôles de héros, dont on suit les aventures avec la même attention que s’il s’agissait d’un être humain.

Du côté de Tex Avery, on ne cesse de les plaindre : ils sont des victimes, et enchaînent, poisseux, les situations impossibles. Malmené par Jerry, Tom fait de son mieux pour ne pas perdre le nord et être un chat digne de ce nom.

Enfin, on pourrait écrire tout un article sur les chats dans les films d’animation des studios Ghibli ! Les chats occupant une place importante dans la culture japonaise, on les retrouve naturellement dans son cinéma d’animation. On peut relever entre autres Le Royaume des Chats, d’Hiroyuki Morita (2003), où sauver un chat dans la rue amène une lycéenne à découvrir un monde secret peuplé par ces animaux.

Le Royaume des Chats


Ainsi, si le cinéma d’animation fait de ces chats nos alter egos, c’est aussi pour mieux nous questionner sur notre réalité.

HUMAIN, TROP CHAT

Au cinéma, si les chats peuvent donc nous ressembler, nous leurs avons aussi emprunté à de nombreuses reprises quelques-uns de leurs attributs. (Non, je n’évoquerai pas le film Cats, qui semble pourtant se prê-ter à ce point, car je ne l’ai pas vu (à tort ?)). Quoiqu’il en soi, on peut penser à d’autres films, et je débuterai avec le personnage de Catwoman, que l’on peut retrouver à l’écran dans The Dark Knight Rises, de Christopher Nolan (2012), dans le Batman de Tim Burton (1989), ou même dans Catwoman de Pitof (2004)… Interprété par des actrices de renom, ce personnage féminin de l’univers des DC Comics s’identifie au chat pour son agilité (elle est une cambrioleuse abile), son indépendance et son élégance. Personnage ambivalent, son costume est doté de lunettes de vision nocturne, d’oreilles de chat, de griffes… le tout très fétichisé ! On peut s’ail-leurs établir le rapport avec le caractère sexuel féminin. Enfin, si plusieurs scénarios tourbillonnent autour de ce personnage, il revient souvent qu’elle aurait trouvé dans les chats abandonnés un alter ego, lui rappelant son propre vécu. Ils lui offrent une tendresse qu’elle ne connaît pas dans la vraie vie, et ce sont les rares créatures pour lesquelles elle montre de la douceur. Notons que du côté de Marvel, c’est un homme, Black Panther, qui reprend des allures de félin.

Ainsi, il n’est pas rare que le cinéma associe la figure de chat à celle d’une femme fatale, stimulant un fantasme masculin. On peut citer La Chatte sur un Toit Brûlant de Richard Brooks (1958), où le personnage incarné par Elizabeth Taylor est dédaigné par son époux. Sa frustration et son désir se rencontrent ainsi dans le titre, qui veut la caractériser.

Maggie se disputant avec son mari

Enfin, on retrouve aussi cette connotation sexuelle dans le film La Féline de Jacques Tourneur (1942), dont Paul Schrader réalisera un remake en 1982 (avec la chanson Cat People de David Bowie, mémorable). En proie à ses pulsions sexuelles, la protagoniste se métamorphoserait en panthère noire, ce qui la pousse à ne pas consommer son mariage, de peur de tuer son époux. 

En somme, le cinéma a toujours raffolé de ces bêtes, auxquelles beaucoup de personnages ont été identifié. Le spectateur se retrouve lui-même souvent interrogé par les chats, qui occupent une belle part du septième art.

Anaëlle Chapalain 9 juin, 2023
Anaëlle Chapalain 9 juin, 2023
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