Les Gardiens de la galaxie vol. 3
Depuis le 3 mai, une page s'est tournée. Celle d'une aventure qui aura duré 9 ans, menée d'une main de maître par James Gunn, l'un des (trop) rares réalisateurs du MCU ayant su imposer son style dans le paysage codifié du MCU. Mais alors, que vaut cette dernière tournée galactique ?
Peter Quill ne se remet décidément pas des conséquences post-Endgame, car s'il a retrouvé son amour de toujours, Gamora, elle s'avère être une version d'elle-même n'ayant jamais connu les Gardiens. Elle rejoint donc une équipe de mercenaires, les Ravageurs, et laisse nos gardiens dans une profonde mélancolie. Pourtant, une menace gronde à travers l'univers, et seuls Les Gardiens seront en mesure de la contenir, d'autant que cette menace pourrait bien briser le groupe à jamais...
Pour conclure sa trilogie, le réalisateur James Gunn choisit de se concentrer sur un personnage jusqu'à alors considéré comme un comic-relief : Rocket Racoon. Son passé nous est dévoilé via plusieurs flashbacks, montrant un personnage aux fêlures multiples, habité d'une profonde mélancolie et enchaîné à des souvenirs douloureux. Ce développement, assez inattendu, est pourtant ce qui donne tout le sel à l'opus le plus touchant des Gardiens de Galaxie. Cet approfondissement de ce qui a forgé la personnalité de Rocket met aussi en lumière ce que sont finalement les Gardiens depuis le début : des marginaux en fuite, brisés par ce que la vie leur a offert.
Car bien avant d'être des héros Marvel, les Gardiens sont, du point de vue de James Gunn, des outsiders qui ne trouvent leur bonheur que dans l'unité familiale. C'est en accomplissant un effort commun qu'ils peuvent ainsi se permettre une fuite vers une réalité qui les dépasse.
Pourtant, c'est bel et bien cette cohésion qui semble mise à mal tout du long au travers d'échanges sulfureux et crus qui montrent bien que la conclusion est proche et inexorable.
L'affrontement final contre l'antagoniste, le Maître de L'évolution, est presque un prétexte invoqué pour sauver l'unité en péril. Mais rassurez-vous, car cet antagoniste se révèle être bien mieux exploité que la plupart des méchants de l'écurie Marvel. En cause, l'écriture de James Gunn qui déploie une figure pseudo-divine, désireuse de contrôler la vie de l'univers tout entier, et qui gagne sa place parmi les meilleurs antagonistes du MCU.
James Gunn a conscience qu'il lui faut donner un canevas plus ample à ses personnages : il offre donc une nouvelle fois un dépaysement total, loin de l'enfer urbain de la Phase 4, avec des planètes colorées et des populations méconnues, mettant ses compétences de réalisation au service d'un récit touchant qui donne la part belle aux dialogues acides et aux scènes d'action délirantes. Cette maestria technique s'accompagne d'une écriture maîtrisée et cohérente, malgré l'usage du personnage d'Adam Warlock, qui est sûrement la grande blague du film, tant il est sous exploité.
Désormais, nous pleurons. Pas seulement car l'histoire de Racoon est déchirante ou même parce que l'histoire des Gardiens est terminée... Mais surtout car nous devons dire adieu à l'une des seules bonnes sagas du MCU. Cette conclusion met davantage en exergue l'aspect moribond d'une phase 4 qui aura été fort ennuyeuse, et qui ne semble aller nulle part. On trouvera éventuellement du réconfort chez Doctor Strange ou Les Éternels, mais rien ne nous aura attiré plus de sympathie que ces chers Gardiens.
See You In Space, Guardians…
Beau is Afraid
Cela faisait quatre ans que les amateurs d'horreur attendaient le retour d'un des réalisateurs les plus prometteurs de sa génération, aux côtés de David Robert Mitchell, Robert Eggers ou Jordan Peele, j'ai nommé Ari Aster. Mais si son cinéma avait été jusque là essentiellement horrifique avec Hérédité et Midsommar, son nouveau projet, Beau Is Afraid, est une pure comédie absurde riche en idées.
Avec pour tête d'affiche Joaquin Phoenix, le film se vit comme une épopée nous mettant dans la peau d'un personnage névrosé et phobique social avéré. Le prisme par lequel on découvre le monde de Beau est celui de sa vision personnelle : un univers chaotique et violent, sans règles morales ni comportements cohérents. Le monde est un capharnaüm géant pour Beau, et nous sommes invités à suivre sa quête pour retrouver sa mère, qui ne sera pas exempt d'émotions diverses et variées.
En fait, Beau, en quarantenaire apathique qu'il est, ressent les choses avec une telle amplification que le moindre échange donnera lieu à un chaos ambiant permanent et à son lot de scènes où le malaise est omniprésent.
Toute la structure du métrage reposant sur cette quête de retrouvailles entre mère et fils, Ari Aster a conscience qu'il lui faudra trouver des ficelles afin de tenir en haleine le spectateur durant 3h. Et s'il y arrive sans problème dans certains segments, force est de reconnaître une certaine faiblesse sur d'autres, comme si un étirement forcé était en œuvre afin d'être sûr de ne pas louper une miette de la bouille geignarde de Joaquin Phoenix.
Cette structure, segmentée en quatre actes, donne lieu à une réflexion sur la notion de deuil, de relation parental ainsi que sur l'anxiété sociale. Il se révèle être cependant un personnage soumis, incapable de prendre des décisions, et dont l'attitude impassible et geignarde pourra donner envie au spectateur impatient de le remuer un bon coup.
Mais se focaliser seulement sur Beau serait omettre la maestria technique que Aster propose durant tout le film, se permettant une créativité folle dont les limites défient l'imagination. Avec un amusement enfantin, le réalisateur sème son lot d'éléments cryptiques afin de perdre le spectateur dans une parade délirante, où violence et malaise sont le mot d'ordre.
Beau Is Afraid sera sûrement un échec retentissant au box office, tant sa structure narrative éclatée et son rythme en dent de scie effraieront les néophytes, mais il saura fédérer un noyau dur d'amateurs qui y verront, comme moi, une déclaration d'amour au cinéma comme seul Ari Aster en a le secret.
Le capitaine Volkonogov s'est échappé
1938. Le Capitaine Volkonogov s'échappe de ses quartiers, désertant par la même les rangs de l'Armée rouge, au pic de la Grande Terreur. Les purges staliniennes prennent des proportions désolantes, au point de purger leur propre rang. Volkonogov est l'une de ces futures victimes, mais il doit avant essayer d'obtenir le pardon des familles de ceux qu'il a torturé et tué sans raison valable.
Le nouveau métrage de Natalya Merkulova et Aleksey Chupov prend donc pour cadre une période historique complexe et sombre, durant laquelle la paranoïa d'un homme a conduit à la mort près de 700 000 personnes. Quoi de mieux pour traiter finalement ce sujet brutal qu'une satire grinçante à l'humour corrosif, au ton très proche du cinéma de Terry Gilliam ou des Frères Coen.
Ici, on observe aux côtés de Volgonokov une Russie exsangue, où les individus ne sont que de simples êtres hagards errant dans les rues ou se terrant chez eux, attendant leur heure.
La délation volontaire comme le repli sur soi font partie d'un lot quotidien, que le film illustre par une servitude volontaire tragique. Entre abattage des cibles du parti à la manière d'un processus automatique et perte d'humanité des membres de l'armée rouge, la traversée du capitaine a deux visées : l'absolution divine, mais aussi le pardon humain.
Au milieu de cette folie paranoïaque, le capitaine Volkonogov arpente des bâtisses délabrés en quête de pardon...mais ce pardon s'avère aussi vain que l'existence du peuple russe durant ces sombres années, et il ne trouvera au final que la mort et la désolation causée par l'Armée rouge.
THE WHALE
Que Darren Aronofsky adapte la pièce de théâtre The Whale, elle-même inspirée du roman éponyme, que l'on connaît davantage sous le nom de Moby Dick, n'est pas chose étonnante. La sous-lecture biblique, profondément ancrée dans le récit comme dans les personnages, est aussi l'une des clés de voûte du cinéma du réalisateur et ce, depuis ses débuts.
Fasciné qu'il est par les personnages contraints à s'auto-annihiler, Aronofsky interroge autant notre rapport au divin qu'à l'envie de rédemption au travers de son œuvre prolifique. Et comment ne pas voir cette envie et ce sous-texte dans The Whale, face à ce protagoniste principal enfermé dans un format en 4:3, peinant à se déplacer tant son obésité morbide le contraint à l'inaction permanente ? Attendant son heure, dévoré par un passé douloureux, il tente tant bien que mal de reconstruire sa relation avec sa fille afin de parvenir à réaliser une chose bien dans sa vie.
Cette dichotomie entre Bien et Mal est, là aussi, un jalon clé de l'œuvre du réalisateur, illustrée par ce personnage bouleversant de tendresse, désireux de réparer ses erreurs et de tendre au pardon dans ses derniers instants sur Terre.
Cloisonnés avec un être dont la simple action nécessite un effort considérable et dont l'allure de colosse évoque symboliquement le poids des erreurs incrustées à même sa peau, on ne peut que ressentir la douleur qui émane de chaque particule de son être. Mais la grande révélation de ce métrage est bien sûr l'acteur incarnant cet être empli de tristesse : Brendan Faser. Il arrive à transmettre un flot ininterrompu d'émotions pures durant des séquences d'anthologie, soutenu par la splendide musique composée par Rob Simonsen qui parachève la fin inexorable d'un homme condamné.
D'autres personnages, incarnés par d'excellents acteurs et actrices tels que Sadie Sink ou Hong Chau, orbitent autour et offrent à regarder une fenêtre sur l'âme humaine dans sa plus simple fragilité. Ils se retrouvent alors impuissant face à des événements qui les dépassent : une autodestruction que rien ne semble pouvoir arrêter, une fille prête à ravager son existence pour faire passer un message, le deuil d'un amour...
Telle la plus belle des pièces de tragédie grecque, The Whale dévoile un microcosme des sentiments humains et de leurs aspirations à la salvation, malgré, il faut le souligner, un final très arofnoskyien empli de prosélytisme.