Que sommes nous ? Sinon coi lorsque l’image se fait chant, lorsque la lumière se fait mot. Alors, face à l’écran, nous plongeons, comme ce personnage du film, dans la matière elle même et par magie : nous traversons.
Leto, qui veut dire “L’été”, est une forme de miracle. Dans les années 80, au coeur de l’autre côté de la guerre froide, nous revivons les plus beaux moments de cette liberté musicale qu’était le rock et qui, elle, n’avait aucune frontière. Chaque instant semble être filmé du bout du coeur, l’image et le son comme deux amants s’enlaçant nous entraînent dans une tornade de volupté, loin de ce monde qui a perdu le sens du rêve. Voilà ce qui exactement nous transperce, cette fenêtre que nous pensions close, ce droit à voir ce qui n’est pas, à fantasmer ce que nous aurions pu être au travers de ce que nous étions.
Un ami cinéphile me disait récemment : “ Je me méfie du noir et blanc au cinéma de nos jours”. Il avait raison. C’est d’ailleurs pour cette même méfiance que je peux affirmer en ces lignes que le noir et blanc dans ce film est ce qui constitue le contrat du fantasme. Il est la matière de laquelle peut naître les choses. Le film propose divers régimes d’images, plusieurs niveaux de matières. Nous parcourons ainsi, dans le prisme d’une mémoire composite, une espace-temps disparu et potentiel. Cette oeuvre est un opéra révolutionnaire faisant de l’existence le lieu de l’évanescence.
Ajoutez à tout cela, une histoire d’amour faisant office de pied-de-nez à la fois au romantisme suave classique et à l’insupportable triangle amoureux saganien. Une histoire d’amour dans tout ce qu’il y a de plus probable, de plus véritable. Une histoire d’amour qui ne se fait pas mais qui devrait. Une histoire d’amour qui semble dire : “ Liberté, j’écris ton nom”.