Mise à mort du Cerf Sacré
de Yorgos LANTHIMOS

Yorgos Lanthimos, réalisateur grec à la filmographie prolifique depuis 2007, sort son deuxième film anglophone, après The Lobster qui l’a fait connaître plus largement au public européen en 2015. Avant ça, il y avait Canine et Alps, deux films tournés dans la langue d’Aristote et qui ont su plaire à un public de niche par leur composi-tion terne et sans fioritures, délivrant aux spectateurs des univers froids et pâles mais définitivement nouveaux. 

On retrouve la même froideur dans la Mise à mort du Cerf Sacré. Film au cadre dur et millimétré qui déambule dans les couloirs immaculés de l’hôpital où travaille Steven. Un motif grinçant au violon ajoute un certain malaise ram-pant, imperceptible pour les personnages et qui pourtant transpire à l’écran. Le malaise, palpable durant les conversations les plus anodines, se transmet ainsi d’une simple poignée de main et d’un simple regard, la caméra chirurgicale tranchant au travers du voile de confort des protagonistes. On pourra dans une certaine mesure reprocher une lenteur de rythme tant il est difficile de s’attacher à ces personnages qui semblent hors de toutes conventions, leur diction claire et détachée rappelant une certaine forme de théâtralité pouvant rebuter.

L’hôpital, dans sa représentation, peut faire penser à un hôtel Overlook, dont les couloirs ne semblent jamais se terminer, où le relatif senti-ment de sécurité qu’il est sensé procurer se trouve perturbé, déformé par des focales et des cadres écrasants. Ainsi, dans la Mise à mort du Cerf Sacré nous ne sommes à l’abri de rien, les lieux supposés chaleureux se transforment en lieux de tension permanente, où l’étau de la punition divine invoquée par Martin ne peut que finalement s’abattre sur la famille et le spectateur désarmés. Cette épée de Damoclès rappelle les tragédies grecques, le film s’ajoutant à la liste déjà nombreuse des réécritures du mythe d’Iphigénie à Aulis d’Euripide. Le long métrage prend alors la forme d’un conte allégorique où la pythie macabre s’incarne dans le personnage de Martin qui s’immisce dans le foyer paisible de la petite famille bourgeoise. Malgré tout, difficile de savoir si ce conte aux accents tragi-comique saura toucher tant sa forme est antipathique, on peut cependant presque s’assurer d’un succès d’estime mérité.

Dessin Manon Gindre

Sylvain CHAUSSENDE 30 novembre, 2017
Sylvain CHAUSSENDE 30 novembre, 2017
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