Portrait : Anna Sampéré
Réalisatrice du documentaire "Un regard sur l'Amour en Inde"

À seulement 21 ans, Anna Sampéré, étudiante en licence de psychologie à l’Université Lumière Lyon 2, a déjà tourné son premier documentaire. Intitulé Un regard sur l’Amour en Inde, il est en ligne sur YouTube depuis le mois de janvier. À l’occasion de la projection de son travail à la Maison de l’Étudiant.e de l’Université en février pour la semaine « Parlez-moi d’amour », Anna nous raconte le voyage en Inde qu’elle a fait à la fin de l’été 2022 et la genèse du documentaire qu’elle en a tiré.

Comment est né ce voyage en Inde ?                                                                          Anna Sampéré : L’an dernier, une de mes meilleures amies avec qui j’étais en études d’art m’a dit qu’elle avait connaissance d’une bourse qui s’appelle Zellidja. Elle est financée par la Fondation de France et permet à des jeunes entre 16 et 20 ans de voyager avec un projet d’étude. Pour le financement, il ne s’agit pas de sommes astronomiques mais ça permet de financer quasiment la moitié du voyage. J’avais toujours rêvé d’aller en Inde et je me suis demandé sur quelle thématique axer mon voyage. Je suis finalement partie sur le thème de l’amour et il s’avère qu’en Inde, c’est quelque chose d’hyper important, avec une conception complètement différente de chez nous. Et puis j’aime bien avoir des discussions un peu intimes, sur l’amour ou la sexualité. Ce sont des sujets qui me plaisent.

Tu peux nous en dire un peu plus sur la bourse Zellidja ?                                           AS : Il faut monter un dossier d’une dizaine de pages. J’ai expliqué qui j’étais, d’où je venais, pourquoi je souhaitais avoir la bourse. Pour être éligible, tu as plusieurs conditions à respecter : partir seul.e, pendant un mois, avec un projet d’étude et faire un carnet de bord et un carnet de compte. Mais je pense que plein de jeunes sont un peu rebutés en se disant qu’il y a beaucoup de documents à rendre. Une fois que le dossier est accepté, il y a un oral de sélection, puis on t’attribue un tuteur, qui est déjà parti grâce à la bourse Zellidja. D’ailleurs, l’été prochain, j’aimerais aller en Équateur et faire un regard croisé nature/culture.

L’idée d’en faire un documentaire t’est venue dès le début ?                                     AS : Quand j’ai fait mon projet d’étude, j’ai dit que je ferai un rendu écrit avec des dessins mais que j’essaierais de faire une vidéo un peu poétique. Puis au fil du temps, j’ai changé d’idée et j’ai eu envie de faire un documentaire. J’ai acheté un bon appareil photo avec de l’argent que j’avais de côté mais seulement deux semaines avant que je parte donc je n’avais aucune connaissance du matériel [rires]. 

Comment as-tu choisi la ville où tu as tourné en Inde ?                                              AS : Quand j’ai dit que j’allais partir en Inde seule pendant un mois, on m’a répondu que j’étais suicidaire. Bien sûr qu’il y a des trucs atroces, des mariages forcés mais il faut nuancer les propos, pas avoir un regard de jugement. Avec mon documentaire, je n’ai pas la prétention de dire que je suis anthropologue. J’ai vu des gens, écouté leur histoire et je montre ce qu’ils m’ont dit. Peut-être que mon documentaire manque d’analyse – on m’en a fait la critique – mais ce n’était pas mon parti pris. Quand on part en voyage, la fondation Zellidja préconise d’avoir quelques contacts sur place. J’ai une amie qui a fait un périple en Asie et elle y a rencontré un Indien. Elle m’a donné son contact et on s’est très bien entendu. Il s’appelle Sharan et quand je suis arrivée en Inde, c’est lui qui est venu me chercher. Au début, j’ai passé plusieurs jours avec Sharan, chez lui, avec sa famille. L’Inde, c’est vraiment énorme. Quand je dis l’Inde, c’est l’Europe ! [rires] Je suis allée dans le Kerala et le Tamin Ladou, deux États dans le bout de l’Inde. Je suis arrivée dans la capitale du Tamin Ladou, j’ai passé plusieurs jours là-bas et j’ai un peu continué avec Sharan (on a voyagé en moto). Puis j’ai continué mon voyage toute seule. Là j’ai fait beaucoup d’interviews mais j’ai vu peu de gens qui voulaient être filmés.


D’ailleurs, quand j’allais dans des auberges de jeunesse, c’était souvent
des jeunes Indiens, pas des étrangers. En fait, tu te rends compte qu’il y
a un « tourisme indien » en Inde : des Indiens qui viennent de partout
en Inde. Au début, en dix jours, je n’ai vu qu’un seul étranger !

Comment s’est passé ton travail avec le monteur, David Lamarle ?                         AS : Le monteur est le mari de ma cousine. Je devais rendre mon projet le 31 décembre 2022 et le 24 décembre, je n’avais toujours rien fait. On s’est vu à Noël et il m’a proposé d’aller chez lui pendant trois jours pour faire le montage. J’ai réussi à grappiller des jours parce que si tu veux faire un documentaire sympa, c’est impressionnant le temps que ça prend (je n’y connaissais rien en montage avant ça) ! Donc en gros, on a fait le documentaire en six jours. On a aussi intégré quelques dessins de mon carnet et des photos au générique.

Comment arrives-tu à créer une proximité avec les personnes que tu filmes ?   AS : À Munnar, par exemple, j’ai fait une balade avec un guide. À un moment, on a croisé une dame qui me souriait. Elle m’a invitée à prendre le déjeuner chez elle, comme ça. Par chance, sa copine avait fait des études donc elle parlait un peu anglais. C’était trop bien : j’ai dessiné un peu avec un des gamins, très doués. C’était des cueilleuses de thé. Elles m’ont dit qu’elles n’en pouvaient plus, qu’elles avaient mal au dos, qu’elles étaient payées 113 euros par mois... Donc tu parles avec les gens et tu crées un lien particulier. Mais la question de l’amour, c’est intime. C’était compliqué parce que j’étais toujours dans l’intimité. À certains moments, je me disais que je n’allais avoir aucun entretien, aucune image. Donc j’essayais de mettre les gens à l’aise. J’ai aussi été dans une université pendant quelques jours. J’ai fait un entretien pendant deux heures avec des filles : elles m’ont raconté plein de choses sur l’amour, la famille, la culture, la religion… Et au moment de mettre en route la vidéo, j’ai insisté un peu pour qu’elles acceptent que je les filme, tout en les rassurant.

À quel moment tu t’es dit que tu allais mettre ton documentaire sur YouTube ? AS : Je me pose encore la question ! J’aurais peut-être dû faire une projection dans ma ville pour le présenter. Avec du recul, si je refais un documentaire, j’organiserai une projection publique. Comme j’ai bossé sur le montage à fond pendant six jours, j’avais très envie de le partager.


Lien vers le documentaire disponible sur Youtube :

 
 


Maxime VIGOUROUX 23 juin, 2023
Maxime VIGOUROUX 23 juin, 2023
Partager ce poste
Étiquettes
Archiver
Se connecter pour laisser un commentaire.

(Re)Découvrir le cinéma de Ida Lupino