Photo Destruction des négatifs de jeunesse, Hervé Guibert, 1987
Hervé Guibert a créé un univers à la frontière de l’écriture et de la photographie, qui a instantanément captivé mon attention. Étudier ce photographe était devenu une évidence.
Il est l’ateur d’un livre qui révèle sa séropositivité, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, réalisateur d’un documentaire sur son quotidien en temps que personne porteuse du sida, quelque mois avant sa mort, La pudeur ou l’im-pudeur. Hervé Guibert est un écrivain-photographe né à Saint-Cloud et décédé en 1991, à l’âge de 36 ans.
Rêvant de devenir cinéaste, Guibert échoue au concours d’entrée de L’ID-HEC L’Institut des hautes études cinématographiques (actuellement La Fémis) et se rabat sur la photographie. Il devient alors le 1er critique dans la rubrique photo du journal Le Monde en 1977.
Avec sa petite Rollei 35, dans le fin fond de sa poche qu’il utilise pour ses photos de voyage et de son entourage, Hervé Guibert ne se considérera jamais comme un photographe. Pourtant, aujourd’hui plus que jamais, Les douches la galerie reconnaît une fois de plus son travail en lui dédiant une exposition intitulée L’image de soi, au trentième anniversaire de sa mort, en novembre 2021.
Il me tarde que vous voyez son roman-photo Suzanne et Louise. Alors que son œuvre semble être un portrait familial, en faisant de ses grandes tantes son sujet, le photographe va plus loin et plonge le spectateur au cœur de la relation qu’entretiennent ces deux sœurs au quotidien.
La subtilité de Guibert qui frôle les cheveux de Louise avec les mots, qui effleure les pieds de Suzanne avec la photo, vous plonge dans un monde à part rempli de nostalgie et de tendresse.
Leur salon, leur salle de bain, la maison entière semblent être imprégnés par le vécu et les histoires personnelles de ces deux vieilles dames. Le spectateur ne peut qu’apprécier l’authenticité du portrait qui lui est livré dans ce roman-photo.
Et s’il arrive un jour où vous vous demandez s’il est possible de faire exister une photo qui n’a jamais existé, penchez-vous sur son ouvrage intitulé L’image de Fantôme.
En 1977 à la Rochelle, dans le salon familial, Guibert a une nouvelle obsession : prendre en photo sa mère au naturel. Malheureusement, l’image ne s’étant pas imprimée sur la pellicule, cette photographie de sa mère n’existera jamais. Afin de contourner cet incident technique, le photographe laisse place à l’écrivain et décide de rédiger un texte sur cette photographie. «Ce texte est le désespoir de l’image» dit-il dans l’ouvrage.
Une photo a particulièrement retenu mon attention : “Destruction des négatifs de jeunesse”, 1987. Elle contient toute la finesse d’Hervé Guibert et nécessite une attention toute particulière.
Destruction des négatifs de jeunesse, 1987
Cette photographie semble à la fois questionner et proposer une réponse sur le berceau de la photographie, le fondement de l’écriture au cœur de l’identité Hervé Guibert.
Bien qu’elle fut prise un an avant qu’il apprenne sa séropositivité, cette photo semble être prémonitoire et dévoile d’ors et déjà la propre destruction du photographe qui sera plus tard causée par sa maladie. Les pellicules sont à même le sol, les photos sont partiellement cachées, les écrits sont entassés, le désordre et la confusion occupent entièrement la photo.
Alors qu’en règle générale, l’autoportrait est par essence révélateur sur l’identité d’un artiste, Guibert revisite cette pratique et propose des autoportraits énigmatiques. L’artiste ne se dévoile pas physiquement sur les photos et joue avec le visible et le masqué.
C’est derrière une moustiquaire, c’est en devenant une ombre dans le reflet d’un miroir, c’est en se cachant les yeux avec un tissu blanc que Guibert compose ses autoportraits
Photo Autoportrait à la moustiquaire, Hervé Guibert, 1987
Autoportrait à la moustiquaire, 1976
Des autoportraits qui sont alors tout aussi mystérieux que le photographe lui-même.
Aujourd’hui encore, une correspondance autour d’Hervé Guibert, intitulée Fous d’hervé publiée le 8 septembre 2022, reflète l’immortel enthousiasme face au travail de Guibert.
Si cet article est parvenu à titiller votre curiosité sur le personnage d’Hervé Guibert, je vous souhaite alors une belle découverte artistique, en espérant que vous deviendrez vous aussi Fous d’Hervé.