Quand le rap rencontre le cinéma

Voilà de nombreuses années que le rap puise de multiples références dans le cinéma pour alimenter ses lyrics, on peut notamment citer Scarface, La Haine, Matrix ainsi que Star Wars, très présent dans l’album « L’école du micro d’argent » du célèbre groupe IAM. Aucun genre n’est mis de côté. Pour aller plus loin, les rappeurs français PNL, Nekfeu et Laylow sont allés jusqu’à réaliser des courts ou longs métrages pour accompagner la sortie d’un album. On voit par ailleurs, de nombreux rappeurs devenir eux-mêmes comédiens. La musique et le cinéma étant profondément liés, il n’est pas si étonnant de voir des rappeurs revêtir la casquette d’acteur ou de réalisateur comme Childish Gambino, qui lui, possède les trois. Avant d’en dire davantage, rejoignons directement la scène Française avec le rappeur Disiz la peste et son single « j’pète les plombs » sorti le 23 octobre 2000 et directement inspiré du film « Chute libre » de Joel Schumacher sorti en 1993.

Quand disiz la peste adapte chute libre sous forme de clip vidéo

Sept ans après la sortie du film Chute libre, le rappeur Disiz la peste décide de lui rendre hommage avec son premier single accompagné d’un clip totalement inspiré. 

Dans le film, le personnage principal est joué par Michael Douglas qui interprète le rôle d’un homme divorcé au chômage, cherchant désespérément à rejoindre la maison de son ex-femme pour l’anniversaire de sa fille. Il rencontre de nombreux obstacles sur son trajet qui sont à l’origine de son « pétage de plombs » ce qui le pousse tout de même à menacer avec une arme, une vendeuse de Mac Donald’s pour obtenir un Mac Morning, tragi-comique on peut le dire. C’est d’ailleurs une scène devenue culte dans le cinéma. Quant au clip, on y retrouve l’actrice Cécile de France dans le rôle de la vendeuse (elle joue par ailleurs dans le prochain film de Wes Anderson) ainsi que Disiz dans le rôle de William Foster, le personnage principal. Il faut savoir que tout le scénario initial se déroule dans les rues de Los Angeles, ville qui a donné naissance au « Rap West Coast », un genre de musique hip-hop qui finira par être importé en France et notamment en banlieue parisienne, là où Disiz tournera son clip. 

« Putain j’transpire, pire j’suis en transe les transports bloquent ça klaxonne
Ça fait 2 heures qu’j’n’avance qu’à petit feu peu à peu je pète les plombs » 
- DISIZ

Dès le premier couplet, le rappeur fait directement référence à la scène d’ouverture du film qui se déroule dans les embouteillages de LA. Pour celles et ceux qui auraient vu le film, les lyrics nous plongent directement dans cette scène, avec la tension qui l’accompagne. Quant à celles et ceux qui ne l’ont pas vu, ça ne vous empêchera pas pour autant d’apprécier la musique. On peut supposer que Disiz a fait le choix du film « Chute libre » car le personnage principal rejette le système de la même manière que de nombreux rappeurs à l’époque le font, à travers leurs lyrics engagés.

(Début 2005, Disiz est à l’affiche du film Dans tes rêves, de Denis Thybaud, où il incarne Ixe, un jeune rappeur qui cherche à accomplir son rêve.)

I. les courts et longs-métrages, nouveau moyen de promouvoir un album

Depuis quelques années déjà, les rappeurs ont déjà trouvé un autre moyen promotionnel pour la sortie de leur album. 

Entre 2016 et 2017 le duo PNL sort 4 clips vidéo de 8 à 30 minutes intitulés Naha, Onizuka, Béné et jusqu’au dernier gramme sur la plateforme Youtube. Ces clips mettent en scène Naha et Matcha, deux meilleurs amis devenus ennemis à cause d’une rivalité lié au trafic de drogue dans leur quartier. Naha est le premier clip et sort la veille de la sortie de l’album « Dans la légende » qui obtiendra un disque de diamant, Naha totalisant aujourd’hui plus de 119 millions de vues. C’est un énorme buzz qui poussera dans le futur, d’autres rappeurs de la scène française à se lancer dans la réalisation de courts et longs métrages. 

En 2019, le rappeur Nekfeu refait surface, après 2 ans d’absence, avec la sortie d’un long-métrage Les étoiles Vagabondes. Ce long-métrage est un film documentaire retraçant le parcours du rappeur durant l’écriture de son album. Il sortira exclusivement en salle à une unique date et finira par faire son apparition en 2020, sur la plateforme de streaming Netflix pour une durée limitée, il apparaîtra notamment dans le top 3 des documentaires les plus vues sur la plateforme. 

Cette année, le rappeur Laylow a bousculé le rap français avec la sortie de son album « L’étrange histoire de Mr Anderson. » Celui-ci a vu les choses en grand puisqu’il a réalisé un court métrage dans une esthétique sublime avec de multiples références cinématographiques. 

Le court-métrage relate l’histoire d’un rappeur qui rêve de percer, et qui quitte le foyer familial pour réaliser son rêve. En réalité, Laylow retrace sa propre histoire. Sous cet angle, l’histoire semble banale mais elle prend une dimension toute particulière dans un univers mêlant réalité et fantaisie. De multiples références sont faites au cinéma. 

Premièrement, le titre rappelle beaucoup le roman L’étrange cas de Mr Jekyll et Mr Hyde écrit par Stevenson et paru en 1886. Il sera finalement adapté de multiples fois au cinéma. Comme dans le court métrage, le protagoniste est animé par un dédoublement de personnalité. 

La scène d’ouverture en travelling et plongée avant sur Laylow nous transporte directement dans un univers à la Alice aux pays des merveilles (2010) avec le carrelage de la salle de bain.

Lorsqu’il quitte le domicile familiale, on découvre un plan large sur sa maison. On retrouve alors une ressemblance frappante avec la maison de Charlie et la chocolaterie (2005), accompagné d’une référence à Freddy Kruger, puisqu’il porte le même pull à rayures rouges et noires. 

Lors de son périple, Laylow rencontre une femme qui nous rappelle énormément Calypso, dans le troisième film de la saga Pirates des Caraïbes (2007). 

Plus tard dans la vidéo, Laylow se retrouve dans une forêt avec sa voiture coincée dans les arbres à la suite d’un accident, scène que l’on retrouve également dans le film Big Fish de Tim Burton. A la fin du film, on découvre enfin le fameux Monsieur Anderson. La relation qu’il entretient avec Laylow est très proche de celle qu’entretient Tyler Durden avec le narrateur de Fight Club (1999). Pour ceux qui auraient vu ce chef d’œuvre, vous comprendrez directement la référence faite au film dans le 14ème son de l’album, « Spécial ». Grâce à ce film, Laylow a su nous transporter dans un imaginaire, en permettant à sa fan base de pouvoir entrer dans cet univers à l’aide des multiples références cinématographiques, plus ou moins connues du grand public. Il a réussi à s’émanciper des codes prédominants du rap français en assumant qui il est, et ce film en est la preuve.

P.S : Si vous n’avez pas encore écouté Trinity de Laylow, n’attendez plus, vous vous retrouverez plongé dans un univers Digital, fortement inspiré de Matrix (1999).

II- Quand être rappeur et réalisateur n'est pas incompatible.
Rejoignons désormais la côte Ouest avec un acteur, scénariste, réalisateur, producteur, humoriste américain mais aussi musicien, rappeur et DJ.
Je vous parle bien évidemment de Childish Gambino. Nombreux sont ceux qui le connaissent pour sa musique, et notamment « This is america » qui totalise presque 800 000 000 de vues sur Youtube. Mais le connaissez-vous sous le nom de Donald Glover ? 

Avant de devenir célèbre pour ses nombreux albums, dont « Awaken, my Love ! » pour n’en citer qu’un. On l’aura vu tenir un rôle majeur dans la série Community, ainsi que dans le film Seul sur Mars aux cotés de Matt Damon et il interprètera Lando Calrissian dans Solo : A Star Wars story.
En 2016, il crée la série Atlanta où il jouera le rôle du personnage principal. L’histoire tourne autour de la vie de deux cousins, qui cherchent à briller sur la scène rap d’Atlanta. 

Childish réussit à mêler musique et cinéma dans un programme tout droit sortie de son imagination. Alors qu’en France on voit de nombreux rappeurs tenter d’approcher le monde du cinéma sans vouloir forcément être assimiler à leur carrière musicale, Donald Glover prend le chemin inverse. 

On peut voir ici que le rap et le cinéma se complètent, où l’on retrouve au centre de tout, une passion indéniable pour l’écriture. De plus, l’ouverture au monde du cinéma permet au rappeur de réaliser de sublimes clip, en donnant aux images un sens tout particulier. On retrouve par ailleurs ce talent dans le clip « This is America » qui, au-delà d’être engagé comme nombreuses de ses musiques, est aussi parfaitement réalisé, puisque les images, comme le texte, résonnent en chacun de nous. 

Sur la scène française, le premier rappeur à vraiment obtenir une reconnaissance dans le monde du cinéma est Joey Starr qui démarre sa carrière musical dans le groupe Supreme NTM. Aujourd’hui, de nombreuses personnes ignorent son passé dans l’industrie musicale alors qu’il fut l’un des pionniers du Hip Hop en France dans les années 90. Depuis 2008, le rappeur devient officiellement acteur et passera par de nombreux rôles que ce soit dans des comédies, des séries ou encore des drames tel que Polisse (2011) qui lui vaudra une nomination aux César. Même si la carrière de Joey Starr vaudrait un article à elle toute seule, j’aimerais aujourd’hui vous parler de Kery James. Kery James est également une figure de proue du rap français qui est particulièrement connue pour ses textes politiques / engagés. Vous le connaissez peut-être grâce à son titre « Mouhammad Alix » ou bien « vivre ou mourir ensemble » qui fait écho aux attentats du 13 novembre 2015. 

Même si sa filmographie n’est pas aussi grande que d’autres figures du rap français, celui-ci a su marquer de nombreux esprits en 2019, avec la sortie du film Banlieusards qu’il a coréalisé avec Leila Sy. Tout comme sa musique, ce film est engagé et dénonce l’ignorance de l’état français face à la situation des banlieues. Il tiendra le rôle principal, et saura prouver encore une fois, qu’il sait manier la plume que ce soit pour écrire des lyrics ou des scénarios. 

Si le cinéma inspire autant le rap français et américain, c’est parce que ce sont deux moyens d’expressions artistique. Ce sont deux arts qui se complètent, et les nombreuses références cinématographiques permettent également aux différents rappeurs d’affirmer l’héritage culturel qui leur est propre. Difficile de finir cet article sans parler du film 8 mile sorti en 2002, qui représente la quintessence du mélange rap/cinéma. Il mériterait un article totalement dédié, si ça vous intéresse n’hésitez pas à faire un retour sur le compte Instagram de l’association.

Maïlys CHAMPION 31 janvier, 2022
Maïlys CHAMPION 31 janvier, 2022
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