Considéré comme le « maître du suspens », Alfred Hitchcock s’inscrit dans nos esprits comme l’un des plus grands réalisateurs marquants d’Hollywood. À travers son long-métrage, ce dernier nous plonge dans ce huis-clos où notre regard repose sur celui de Jeff, au même titre que lui est spectateur.
Entre quatre murs le temps de quelques jours, nous suivons la fulgurante aventure de Jeff interprété par James Stewart, reporter-photographe. Aventurier amateur, Jeff se retrouve une jambe dans le plâtre et cloîtré au sein de son domicile avec pour seules visites, celles de son infirmière Stella et de sa fiancée Lisa. Contraint à devoir affronter cet ennui titanesque, il ne voit que par ses jumelles et sa fenêtre, son seul divertissement. S’offre à lui une multitude d’histoires mises côte à côte dont il est témoin sans réellement y prêter attention. Observant le comportement des habitants de l’immeuble qu’il habite, ce dernier soupçonne son voisin Lars Thorwald d’avoir assassiné sa femme. Partageant ses ressentis à Lisa, celle-ci ne le croit pas mais finit finalement par se laisser prendre par cette histoire invraisemblable…
Se déplaçant en fauteuil roulant et ne pouvant faire autre chose qu’observer, Jeff passe ses journées à sa fenêtre, à observer la seule chose qui se présente à lui : ses voisins. Ces petites histoires qu’il observe à chaque fenêtre ne sont qu’un divertissement rêvé, il nomme ses personnages selon leurs habitudes comme Miss Lonelyhearts, la femme célibataire. Le tout évidemment accompagné d’une bande son qui provient elle aussi directement de ce qui se passe en face : un compositeur au piano. Spectateur nuit et jour de ces histoires, la curiosité du photographe à la vie des autres devient presque de la perversité. Son infirmière lui fait même remarquer : « vous voyez des choses que vous ne devriez pas voir ». C’est ce qui finit brutalement par arriver : réveillé une nuit par un cri suivi du comportement du suspect idéal de Thorwald, Jeff est persuadé que ce dernier a tué sa femme. Spectateur d’une scène qu’il n’aurait pas dû voir, sa curiosité le plonge dans cette obsession qui grandit de jour en jour.
Fenêtre sur cour, sorti en 1954 et dont le scénario fut inspiré par la nouvelle It Had to Be Murder de William Irish, est l’une des inspirations majeures du siècle dernier. L’individu spectateur d’un meurtre à la fenêtre et rongé par le sentiment de culpabilité du témoin est une scène présente dans de nombreuses œuvres. Notamment dans les séries télévisées, allant des séries américaines populaires comme Les Simpson ou même Les Experts : Manhattan à des petites séries françaises comme Le Jour où tout a basculé. Au-delà du meurtre, le long-métrage de Hitchcock influence d’autres milieux tel que le rap avec Fenêtre sur rue d’Hugo TSR. La thématique reste cependant toujours la même : le voyeurisme. La frontière entre simple observation et voyeurisme reste assez floue, notre protagoniste s’immerge simplement dans ce rêve mis à la merci de sa personne. Pourtant, la curiosité humaine le pousse à épier ce qu’il ne devrait pas voir, suivre les moindres faits et gestes et en faire de cette affaire la seule raison pour laquelle il se lève.
L’attention presque malsaine portée à la vie d’autrui réside en chaque être humain, permettant ainsi à chacun des spectateurs de se reconnaître dans le personnage de Jeff. Assis dans son fauteuil roulant comme nous sommes assis dans notre fauteuil de cinéma, l’écran de cinéma s’ouvre sur une histoire comme la fenêtre de Jeff s’ouvre sur les multiples histoires de sa cour.