Shut up and play the piano raconte chronologiquement le beau parcours de Chilly Gonzales, musicien qui allia le punk, l’électro et le rap, avant de s’attirer les grâces de la scène classique par à un album solo de piano, succès immédiat et international. Entouré de l’orchestre symphonique de Viennes, l’artiste est toujours entre folie et contrôle, son corps contracté et suant n’est pas à l’abris de gesticulations spontanées, réminiscences des scènes alternatives berlinoises. Chilly Gonzales nous apparaît fougueux et travailleur, mais aussi pétri de l’injonction à la réussite familiale et de la rivalité avec son frère, musicien plus conventionnel. Ainsi l’invariable assurance de sa voix qui chante et qui crie est diluée des sentiments nuancés de ses confidences parlées.
Alors que la vie du musicien-compositeur est sagement tissée d’images d’archives, de plans de coupes agaçants et d’interviews frontales navrantes, le premier et le dernier quart du documentaire se révèlent d’un intérêt bien supérieur. L’excitation créative et la liberté artistique du phénomène populaire qui sut séduire les élites y est incarné par un patchwork de textures et de temporalités où la nature des images s’entrechoquent. La musique, tantôt sage tantôt imprévisible, hache les photos de famille, les souvenirs musicaux et les extraits de films de fiction. Cette écriture sensible faussement désordonnée stimule l’imaginaire, tel le brouillon d’une joyeuse partition de Chilly Gonzales.
Photographie par Véra MECHID