The Florida Project | Official Trailer HD | A24
Composition de beautés simples pour une simple beauté. Comment vous dire la douceur ? C’est un film qui parle la caresse, qui parle en rayons et en lueurs. Comme toute œuvre d’art, il n’y a pas de message. C’est le monde qui, à travers un prisme de lumière posé sur un fragment infime de lui-même, transpire toute sa vérité.
Ce film est à vrai dire un documentaire sur l’étendue créative de l’innocence. Nous y suivons une petite fille qui ère, vagabonde, joue, crie, danse, hurle, en somme réinvente l’espace et le temps qui l’entourent. Elle impose de nouvelles règles sociales à cet univers, elle s’impose sans au-cun mal. Telle est la force politique d’un tel film : nous montrer où se trouve la véritable puissance politique, le véritable lieu d’action, c’est-à-dire autour de nous. Partout où nous nous sommes oubliés. Comme dirait un auteur réputé des milieux intellectuels et dont le nom est une marque de ponctuation des étudiants normaliens, nous sommes ici dans un lieu hétérotopique. C’est-à-dire un lieu de pure fiction où interagissent différents niveaux de réalité :
- Celui de la mère, c’est-à-dire un lieu de commerce de parfum ou de corps.
- Celui de la fille, c’est-à-dire un lieu de jeu, d’aventure.
- Celui du patron du parc d’attraction Disney qui se trouve juste à côté de ces HLM multicolores, c’est-à-dire des clapiers à misère, à esclaves.
Il y a dans ce film quelque chose d’indicible, de profon-dément insondable. Quelque chose que l’on ne peut pas dire, qui se vit en regardant et en écoutant. Qui se vit seulement si les cœurs de la petite fille, du cinéaste et le nôtre s’alignent sur un même axe de compréhension humaine. Toutes les forces tendent et se multiplient infiniment vers ce même point de justesse, vers cette émotion vibrante qui transperce de part en part.
Imaginez maintenant que Jacques Rozier ait repris au pied levé un décor et une équipe de tournage sinistrés de Wes Anderson. C’est certainement un film comme celui-ci qui serait né. Un petit bijou de cette fin d’année dernière. Un film « l’air de rien » reprenant çà et là les codes de quelques anti-genres détestables comme le « Feel-good movie » ou le « film social » pour mieux les annihiler. Un grand film comme il en existe peu sur le rapport de l’enfant au monde et notamment à la violence adulte. À mi-chemin entre L’Enfance Nue et Moonrise Kingdom, ce film vous laisse dans un silence heureux.
Photographies Juliette Moinet-Marillaud