Arrive un moment où, avec des films présentés comme des chefs d’œuvre, ça coince pour on ne sait quelle raison. On a beau se creuser les méninges à comprendre par quel procédé cognitif ce film ne nous a pas marqués mais rien ne nous vient à l’esprit. On décortique un à un les différents éléments, la lumière, le son, les acteurs, la musique… Puis, un beau jour, ça nous parvient comme une épiphanie, et tout paraît couler de source.
Et c’est ce qui m’est arrivé devant le West Side Story de 1961 réalisé par Robert Wise, souvent considéré comme LE film de comédie musicale américaine par référence. Avec l’arrivée d’une nouvelle adaptation à l’écran de la pièce de Broadway par Spielberg, il paraissait intéressant d’effectuer un comparatif entre les deux, pour y déceler les clins d’œil comme les inspirations, et c’est ainsi qu’à ma sortie du cinéma, j’ai pu réellement mettre le doigt sur tout ce qui ne va pas dans celui de Wise et marche mieux dans celui de Spielberg.
Dans le cas du film de Robert Wise, plusieurs choses me déplaisent durant le visionnage, à commencer avec cette sacro sainte histoire d’amour niaise et mièvre à souhait, propre aux comédies musicales de cette période, pleine de gens beaux dont on a à peine éméchés le visage pour leur donner des airs de gamins des rues, là où celui de Spielberg préfère un cast plus réaliste et en adéquation avec le sujet traité. Car oui, ce qui aura marqué les esprits avec West Side Story, c’est finalement son envie d’être en marge des autres comédies musicales en proposant un regard sur une lutte entre deux gangs rivaux chacun d’une ethnie différente et dont les affrontements ne font que cristalliser l’esprit d’une jeunesse populaire à la dérive en proie à l’extrémisme et au vandalisme pour se faire entendre.
D’un côté donc, les Jets, fiers d’être blancs et de vivre dans leur quartier, de l’autre les Sharks, enfants de Porto-Ricains immigrés. Si le film de Wise nous offrira des acteurs blancs dont on aura terni la face avec quelques mots de vocabulaires hispaniques, c’est finalement Spielberg qui brille par une logique évidente d’avoir pris un cast hispaniques et SURTOUT de les faire parler en espagnol régulièrement et sans sous-titrer, mettant ainsi en lumière la barrière linguistique et culturelle qui sépare les deux gangs. Et cette volonté de cohérence dans le propos traité marche diablement mieux chez lui que chez Wise, que ce soit en offrant des dialogues plus riches sur les ambitions respectives de chaque personnage, notamment Chino ou même Anybodys qui offre un regard sur son coté transgenre plus appuyé que dans l’original.
Mais que serait West Side Story sans ses musiques et ses chorégraphies ? Si celles de 61 n’auront pas pris une ride en termes de dynamisme, et ce malgré une volonté de Wise d’offrir une mise en scène colorée mais bardée de plans fixes et de travelling, celles de Spielberg ne m’auront pas offert le « coup de polish » que j’espérais. Loin de moi l’idée de dire qu’il aurait fallu réinventer la pièce entière, mais face à l’universalité du propos, je m’attendais de la part du monsieur à un peu plus de folie, d’imagination, encore plus quand on imagine à quel point ce projet d’adaptation semblait lui tenir à cœur. On retiendra surtout une violence plus acerbe durant les combats et une volonté d’ancrer le film dans une réalité dure, chose qui manquait cruellement au film de 61 qui baignait dans la niaiserie la plus totale, car en termes d’esthétique et de chorégraphies, le film reste très influencé par son aîné quoiqu’on en dise et, tel un bon élève, ne se permet que peu d’écarts.
C’est donc surtout d’un point de vue scénaristique que le film de Tonton Spilby brille par son intelligence, sa modernisation légère mais visible du propos, ses choix de caméra astucieux et sa maîtrise de la dramaturgie Shakespearienne bien mieux dosée que celle de Wise.
UNE LUTTE ENTRE DEUX GANGS RIVAUX (...) DONT LES AFFRONTEMENTS NE
FONT QUE CRISTALLISER L’ESPRIT D’UNE JEUNESSE POPULAIRE À LA DÉRIVE